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« Kana Sutra » de James Noël

« Bitextualité » assumée

Le poète James Noël est assurément le Haïtien le plus proche des Calédoniens. Pour preuve, « Kana Sutra » petit bijou de poésie, poli aux éditions « Vents d’Ailleurs », qui vient de paraître et né en partie sur le Caillou. Emprise de positions…

Son nom est Noël, James Noël. Et vous n’allez pas arrêter d’en entendre parler dans les prochaines années. Ce voyageur, poussé par les vents de la curiosité et ayant vogué d’îles en îles depuis la sienne (Haïti), a déjà jeté l’encre plusieurs fois sur nos rivages et entre nos lignes d’horizon. En 2009, le SILO (Salon international du livre océanien) l’avait accueilli et, en 2010, une résidence à la Maison du livre a suivi en amorçant la gestation de ce « Kana Sutra », des écrits lapidaires issus de la terre kanak.
L’an prochain le verra s’ar-rimer sur l’îlot privilégié de la Villa Médicis dans la ville éternelle. En effet, le ministre français de la culture l’a distingué (avec 16 lauréats sur 500 postulants) comme pensionnaire de l’Académie de France à Rome. Une ville dont un des chemins qui y mène passe assurément par la Nouvelle-Calédonie. Personne, ici, n’a oublié sa belle voix profonde, sa gentillesse et sa disponibilité. Encore moins certains scolaires de la Province nord qui ont bénéficié de sa transmission poétique au cours d’ateliers ludiques. Afin de partager sa muse en s’amusant…

Inter Vibrations et tremblements

Tant par sa pertinence que par sa belle écriture, la préface d’Ananda Devi, écrivaine d’origine mauricienne (encore une île), rend indiscutablement obsolète toute critique. Mais, essayons tout de même de vous donner l’envie de vous couler dans ces « positions textuelles » comme l’a souligné malicieusement l’auteur dans un récent entretien. Vers libres et courts, donnant libre cours à ses pensées, et prose/combat, en-vers une humanité trop compassionnelle, aboutissent à une « bitextualité » assumée. Par l’intermédiaire d’aphorismes d’une ligne, chaque forme se rapproche de l’autre jusqu’à se fondre telles les deux lettres O et E liées dans le cŒur du poète.
À la pitié mièvre du monde devant son pays martyrisé, il préfère l’amour dans tous ses « états dames ». Carte du Tendre cabossée, même la rupture, telle une faille sismique, fait naître des mots précis au lieu d’engloutir son inspiration. Le tremblement tellurique a créé chez lui la vibration brutale, l’éruption de sentences, le torrent de phrases. C’est pourquoi, il passe du corps à l’âme, de la douceur à la violence dans ses paroles où chaque lettre pèse son poids. Mesuré indubitablement en épigrammes.
Il sait à quels seins se vouer, « ceux dont l’arrondi rend la paume tendre », il sait faire le tour d’un visage envisagé comme un tour du monde, il sait rendre le sourire au lecteur par l’humour irriguant son écriture, il sait retrouver les ruines sous l’opulence des grandes villes, il sait débusquer le cannibalisme du désir amoureux, il sait, isolé dans l’œil du cyclone d’un visage, réfléchir dans le miroir du temps qui fuit.
S’il fallait résumer le propos de James Noël, cet aphorisme en fin de recueil vous y aidera : « Le seul pays est celui des oiseaux migrateurs, pays avec une aile pour drapeau et surtout un regard qui épouse l’univers tout entier d’un seul visage. » Bon envol !

Rolross

Novembre 2011