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Liberté … de Pierre Humbert

Liberté.

 

La liberté, selon Larousse, est l’état de celui (ou celle, bien sûr ) qui ne subit pas de contrainte, et c’est aussi la possibilité d’agir sans contrainte.

On n’est donc pas libre quand on a des devoirs, puisque le devoir sous-entend une contrainte, même légère, qu’elle soit légale ou morale, voire éventuellement physique.

Cela commence très tôt, puisque, dès l’école primaire,  les enseignants exercent cette contrainte  terrible en donnant des devoirs aux enfants, les privant ainsi de la plus élémentaire des libertés : celle  d’être cancre quand on en a envie. Et le fait de quitter l’enfance ne fait pas entrer dans  un monde libre, car dès nos 18 printemps, on nous inculque des notions à tendances  liberticides. C’est ainsi que nous avons  droit, entre autres, à un devoir électoral, aux prélèvements obligatoires ( qui, étrangement, sont parfois libératoires ), et à un  devoir conjugal, bien que ce dernier ne soit pas le plus désagréable  à assumer.

Il en est de même dans toutes les facettes de la vie en société, puisqu’on dit paradoxalement qu’un homme qui lutte pour la Liberté est un homme de devoir, qu’il faut que les militaires fassent leur devoir pour conquérir la Liberté, que même les footballeurs et autres sportifs, les joueurs de belote ou de manille n’ont pas le droit de tricher  mais ont le devoir de respecter les règles.

Même si on a, éventuellement, le droit d’y renoncer, on n’est pas libre non plus lorsqu’on  a des droits. En effet, cette éventualité  pourrait éventuellement être considérée comme une liberté, si ce renoncement ne devait pas obligatoirement ou tacitement être déclaré.

Souvent, pour ne pas dire toujours, ces fameux droits ont été conquis, et ont donc été obtenus pas une coercition  au détriment de quelqu’un. Les droits, donc, pour être exercés, ont besoin de l’exercice d’une contrainte, si légère soit-elle,  à l’égard, notamment, de celui qui les accorde. Ces fameux devoirs  ont souvent pour un corollaire un droit, je n’en veux pour preuve que  le devoir électoral, conséquence d’un droit obtenu de haute lutte, en contraignant bien souvent des dirigeants de nations à le donner.

Pour résumer, on  pourrait donc dire qu’exercer ses droits est une atteinte à la liberté, notamment de celui qui est obligé de les accorder.

On pourrait ainsi être amené à penser que l’absence de droits donne la liberté. Il en serait de même pour celui qui n’a aucun devoir.

Malheureusement, les diverses sociétés qui font l’humanité  sont constituées de telle sorte que celui qui n’a aucun  droit, n’a que des devoirs, et donc, en vertu de ce qui précède, n’est pas, et ne peut pas, être libre.

La contrainte, négation  de la liberté, est protéiforme  : elle peut être le fait de lois,  de situations, d’individus, de positionnements géographiques, de climats,  de douleur, de nourriture,  de boissons, les  deux dernières étant inévitables.

En effet, il est obligatoire de manger et boire  pour vivre. Cette obligation est une contrainte, indubitablement.

Par conséquent, seul celui qui ne mange ni ne boit est libre. Mais sa liberté n’est que de courte durée, car sans manger ni boire,  il ne peut que mourir.

On pourrait alors penser que seul celui qui est mort est libre.

Hélas non.

En effet, au moment où il meurt, il devient une contrainte pour les autres, qui doivent, dans leur propre intérêt, s’occuper de ses restes. Et quand on  en est réduit à traiter des restes, c’est qu’on est obligé de survivre, donc contraint, et par  suite pas libre.

D’autre part, souvent, le décès entraîne des droits successoraux, qu’un notaire, licencié en droit, doit se faire un devoir d’appliquer.

La mort est donc contraignante, à son corps défendant, je vous l’accorde, mais on ne peut nier cette évidence, il ne peut plus être question, pour celui qui y accède, de cette liberté, dont il faut bien admettre qu’ il n’a plus vraiment besoin, si tant est qu’un mort ait des envies ou des besoins.

De toutes façons on n’en sait rien, personne ou presque n’étant revenu de cette excursion outre-tombe. Le seul qui soit passé par cet état  et ressuscité n’en a pas soufflé mot, ou alors très discrètement. Mais, en définitive, peut-être en a-t-il glissé un ou deux mots à l’une au l’autre de ses relations, puisque, encore de nos jours, il arrive qu’on dise d’un de cujus (même sans succession) qu’il ( ou elle,  les femmes meurent aussi ) est libéré.

Une des nombreuses contraintes attentatoires à la Liberté, et  à mille lieues  d’être la moindre, est constituée par cette détestable manie qu’ont prise les hommes de transformer les échanges  de services en échanges de monnaies plus ou moins sonnantes,  et  qui font souvent trébucher. On dit que l’argent ne fait pas le bonheur,  locution  à laquelle l’immense Coluche ajoutait :  » de ceux qui n’en ont pas  « . S’il ne fait pas le bonheur, il est obligatoire pour la survie, et, ne serait-ce que pour cela, il est lui aussi, ou surtout, liberticide. ( pas Coluche, l’argent  ). De là vient peut-être l’idée qu’il faut se faire  un devoir de ne rien devoir à personne pour être libre. Un mien ami, de libre pensée, disait, et il en avait bien le droit,  qu’il pouvait aller partout la tête haute,  puisque personne ne lui devait rien. On a le droit d’avoir des dettes, mais ont doit les rembourser, ce qui est doublement contraignant. Si en mathématiques deux négations valent une affirmation,  on peut dire aussi que deux contraintes valent une liberté, et par conséquent que l’argent qu’on ne possède pas rend libre.

Les anarchistes, qui prônent l’absence de dieux et de maîtres, n’ont, eux non plus, aucune liberté, puisque pour pouvoir professer leur théorie, ils doivent abandonner toute sujétion à qui  et quoi que ce soit.

Beaumarchais,  parlant de la Liberté de la presse disait que lorsqu’on n’écrit rien sur rien ni sur personne, on peut écrire  tout ce qu’on veut.  On peut écrire tout ce qu’on veut, mais pas comme on veut. En  effet, prenons par exemple ces quatre mots  » paroles de la Marseillaise « , dont le sens devient totalement différent lorsqu’on les écrit :  » paroles de la marseillaise « , cette dernière acception n’étant pas de nature à déplacer les foules, comme, par exemple les Paroles de Prévert, que tous et chacun devraient se faire un devoir d’avoir lues, sans contrainte, évidemment.

Un adage courant me fait toujours sourire : la liberté des uns s’arrête ou commence celle des autres. Comment peut-on être libre, si on met des limites à la liberté ( ce n’est pas moi qui le dit, c’est le Larousse, mais je ne vais pas recommencer mon discours..)

En conclusion, on n’est libre ni de vivre, ni d’apprendre, ni d’écrire ni même de mourir.

Alors à quoi ont servi toutes les révolutions ?

J’allais écrire nous devons lutter pour obtenir la Liberté,  et j’en aurais le droit, mais je me fais un devoir  de rester libre.

Et ça n’est pas facile.

Je crois bien que la Liberté, comme ses camarades Paix ou Bons Sens généralisé resteront pour toujours au rayon des agnostiques espérances de notre indécrottable  humanité.

 

Pierre Humbert

 

 

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(*) j’aime bien cette orthographe, ça a un petit air champêtre, non ?