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« Comme slam chante » de Marie Tournelle

Slams aiguisés pour mots tranchants

Publié aux éditions Tabù, « Comme slam chante » de Marie Tournelle est un recueil de textes dont le titre et le pseudo de l’auteure annoncent la couleur. Des chansons à lire, à déclamer et des ritournelles, forcément, à chanter, c’est selon. Des coups de gueule et de cœur comme on les préfère. Drôlement bien balancés…

Catherine Stora connaît la musique par le piano et les lettres par l’enseignement. Depuis son arrivée sur le territoire, on a remarqué sa présence volontaire dans les espaces culturels où son envie d’approcher les autres est patente. Avec sa fille, son humour et son franc-parler en bandoulière, elle a fait entendre sa voix qui n’hésite pas à visiter tous les « chants » d’investigation. De tournois de slam en soirées poésie, elle a accumulé un grand nombre de textes, écrits pour une oralité rythmée et musicale. Paradoxalement, dans ce pays qui fait la part belle à cette même oralité, seuls les écrits restent et c’est donc par l’édition qu’elle se fait mieux connaître aujourd’hui. Dans la préface de sa main, elle regrette la version définitive de l’écrit, le manque de vie d’un texte lu, étriquant le caractère et le non dit momifiant, d’où sa longue tergiversation avant publication. Et cela aurait été dommage de passer à côté (sans l’entendre), d’où ce recueil sans tabous bien accompagné par les conseils Jean Brice Peirano avant qu’il ne quitte son poste éditorial. Thuriféraire de la première heure et à l’écoute de nouvelles plumes, il n’a pas hésité, bourse d’écriture provinciale aidant, à mettre son savoir-faire dans cet ouvrage et c’est tant mieux pour elle comme pour nous.

Allais…grement

Dans tous ses textes que l’on pourrait fredonner (elle en donne l’air) ou simplement réciter, elle n’hésite pas à insérer des didascalies comme dans la comédie, telle une chansonnière habituée des planches. Ce dernier mot fait aisément la transition avec le premier brûlot du recueil. Pénalisée dans sa Pire forme, le P n’est pas une lettre de noblesse et le nombre de mots qui le certifient vous laisseront Pantois. Lorsqu’elle fustige les sots métiers, elle les épingle sur leur mauvaise réputation que même Brassens aurait confirmée. Après avoir cerné la saine colère bouillonnant en son sein, elle peut la déverser sur la télé « le robinet à images » sans imagination, les « infaux », le Télékon et l’abrutissement des masses en général. Les pros de la fausse impro l’agacent et nous valent un beau morceau de pro…se. Dans ses discours « enslammés », elle est à contre courant du bien-pensant en envoyant paître le printemps (encore deux P) tout en admirant chenilles et papillons, en « poèmant » une peau aimante qui démode les modes, en détonnant sur les noteurs, en annotant les zauteurs en longueurs ; c’est pourquoi, je m’arrête et puis non ! continuons. Elle traque les faux amis comme en grammaire, en délirant sur la deuxième personne du subjonctif imparfait, sur des personnes imparfaites comme les planches pourries précédentes, ou en n’épargnant pas les cons et, forcément, y’a du boulot. Et puis, il y a aussi sa petite reine, son enfant qui rime avec anti-déprime, sa bouée, son ancrage qu’elle a souvent encré dans ces pages. A coup sûr, une tendance pour le jeu de mot, une admiration pour Alphonse Allais qui faisait « Allais…grement », lui aussi, dans l’holorime. Une forme particulière que je vous laisse découvrir et cueillir en fin de recueil. Elle joue également sur la prononciation ou avec la « faune éthique » et «qui y’en a qui » devient par le biais de la vitesse labiale « kanaki » et de même « qui y’en a qui ont » « kanakion ». Bref, c’est un régal pour l’oreille, le zoreille et pour tous ceux qui aiment prendre un vers ensemble. Santé et sans modération!

Rolross

Octobre 2011