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Trilogie du bord du monde de Pascal Gonthier

Juillet 2010
Usage de faux

Avec « Trilogie du bord du monde » publié chez Publibook, Pascal Gonthier a regroupé trois romans gigognes dont le point commun est toujours la noirceur. Trois allers-retours distants de milliers de kilomètres dans le passé et le présent avec toujours la grande faucheuse au tournant. Une faux qui ne fait pas semblant…

Dans les colonnes de notre numéro du 2 avril, nous avions parlé du plaisir morbide, pris à la lecture du dernier roman noir de Pascal Gonthier « En courant vers le Minotaure ». En notre compagnie complice, il s’y ingéniait à gratter les plaies purulentes de notre société et à débusquer les parts sombres, voire sordides, inhérentes à tout être humain. Tout cela dans une langue crue, appelant une chatte par son nom, avec un style direct fait de crochets et d’uppercuts ainsi qu’avec une construction habile, calquée sur le labyrinthe mythologique auquel il faisait référence dans le titre. « Trilogie du bord du monde » regroupe trois histoires, pouvant se lire indépendamment les unes des autres, mais reliées par l’écriture. Le premier roman a été écrit par le personnage principal du deuxième et ce dernier par le frère du héros du troisième. Les lieux, bien que distants, s’enchevêtrent et le passé resurgit dans les trois, rongeant les crânes des morts et des vivants tel un rat insatiable. Trois imbrications se répondant car, dans toutes, un ou des secrets de famille font irruption hors du placard. Et toujours au milieu de ces marionnettes se cognant sur les murs du mystère de la vie, la femme, très fatale, instigatrice de morts en série.

L’élément perturbateur
Chez Gonthier, comme dans la vie hélas, les salauds ne meurent pas, ils ont l’avis dur, les moyens financiers honteusement gagnés et un cynisme que même la vieillesse n’arrive pas à ébrécher. Parue en feuilleton dans les Nouvelles Calédoniennes du 9 octobre au 28 octobre 2002, « Une obscure attente », celle de la mort dont la finalité angoissante nous échappe, est un roman brillant comme le diamant noir. La Calédonie décrite à travers ses personnages (il n’y a pas que le Diable qui reconnaîtra les siens, le lecteur sagace aussi) est un ramassis de corrompus, de salopards, de nouveaux riches ayant profité de la présence américaine en 1942, de femmes vénales auxquelles les hommes, même les plus sincères, ne comprennent rien. Le plus attachant de tous, Raven Sérandon, jeune Européen faisant les frais de l’indépendance du Vanuatu, de la rapacité des nantis, de la jalousie des broussards et de la perversité d’une femme, est aspiré dans cette spirale infernale, très bien écrite et qui ferait un magnifique long-métrage. Dans « Monsieur Giovarelli », l’élément perturbateur est toujours une femme concentrant l’amour de trois hommes : son fils (le narrateur), son mari et son amant. Le mystère, caché dans la toison (d’or ?) de leur bas-ventre, les affole tous, en menant le monde. La faux, bien dans son élément au milieu de cette campagne française, s’en livre à cœur joie et à corps froid. Dans la troisième partie « Scolopendre », la région de Koné (bien connue de l’écrivain), avec ses microcosmes, ses vies étriquées, son ennui récurrent que seul un cyclone égaye de temps en temps, est le décor d’une vengeance fraternelle à double tranchant. Le remords, flash-back en boucle dans les neurones, n’est-il pas l’arme la plus redoutable et la plus impitoyable ? En attendant, ceux qui n’iront pas se plonger dans ce cloaque jouissif auront pire que des remords… des regrets !

Rolross