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La fleur de Guernica

La vie et rien d’autre

Récemment publié aux éditions Vents d’ailleurs, le livre jeunesse « La fleur de Guernica » de Pascale Monnin et James Noël illustre le chemin opiniâtre de la vie après la terrible catastrophe ayant touché Haïti. Mardi 12 janvier 2010…

La venue de James Noël, poète haïtien invité en résidence à la Maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie, et de sa compagne Pascale Monnin, artiste multiforme (peinture, sculpture, installation) issue d’une famille de galeriste à Port au Prince, nous ont permis de découvrir « La fleur de Guernica », récente publication jeunesse, liée au séisme meurtrier ayant détruit une grande partie de l’île d’Haïti, en ce début d’année. Que peut apporter l’artiste à son peuple après un pareil désastre ? Une des réponses est sans doute dans cet album qui célèbre « la vie et rien d’autre » au milieu d’un champ de ruines. Le beau film au titre homonyme de Bertrand Tavernier en 1988 montrait l’espoir et l’étincelle vitale animant les rescapés au sortir de la Grande Guerre, ayant fauché à tour de bras tant de jeunes corps. « La fleur de Guernica » est dans le même registre avec les mots du poète pour dessiner un conte réaliste et la vision du peintre pour décrire la résurgence fragile et éternelle de la vie. Sismo, jeune écolier turbulent, tremble d’amour devant une fille de sa classe Rosemonde. En ce mardi de janvier, ils sont deux prénoms prédestinés, perdus dans le chaos qui suit les chiffres terribles énonçant la magnitude du séisme.

Jeune pousse
En début d’ouvrage, la silhouette noire de la corneille sur le ciel d’azur est un mauvais présage, avant signe du cataclysme annoncé. Les mots de James Noël jouent sur leurs résonances et sur leurs doubles sens de même que les images figuratives des crayons gras de Pascale Monnin. Perdue dans le bas de la célèbre toile de Picasso, dans le fracas des armes et les cris des mourants, la fleur esseulée est le symbole de ce qui ne peut pas mourir malgré le déluge de feu. Rosemonde, dessinatrice infatigable, ne peut pas quitter ce monde où les fleurs et leur beauté sont indispensables. Telle Ophélie noyée dans les amas de ruines ou une héroïne d’Edgar Poe emmurée vivante, elle est cette jeune pousse que l’amour fera toujours éclore. Car fleuriront inlassablement les mots justes du poète et les couleurs vives du peintre. Jouant sur une lecture à plusieurs niveaux, cette histoire éternelle, conte de toujours, fable moderne ou histoire actuelle, est en symbiose parfaite avec les magnifiques illustrations en pleine page. Les corps immobiles se dressent dans les paysages désolés, les visages graves nous font face et leurs regards voient la vérité en face, c’est-à-dire la mort de centaines de milliers de personnes. Souvent monochromes (bleu du ciel, gris de la poussière, lumière rouge du couchant) et très descriptives tout en collant à la poésie du texte, elles culminent avec le ballet des âmes au ciel et dans la dernière page où Rosemonde (représentée telle une femme de Gauguin), enfin souriante à la vie, pourra éclabousser l’arrière-plan, habituellement vide, d’une myriade de fleurs bigarrées. Âgée de quelques mois, Léna, fille de Pascale et de James, est elle-même une fleur préservée de cet effroyable événement. Ce livre, rempli d’espoirs, est leur bébé à eux trois. À nous, lecteurs, de nous pencher d’urgence sur son berceau !

Rolross