Tags

Related Posts

Share This

Assises du numérique à la Maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie

Embarquement pour Cyber

Du 23 au 27 novembre, des assises du numérique se sont tenues à la Maison du Livre de la Nouvelle-Calédonie. L’occasion de faire un bilan et le point sur les nouvelles technologies que l’écrit ne peut plus ignorer, nulle part dans le monde. Le livre dans tous ses aspects par écran interposé. Le futur lien des îliens…

Le numérique a envahi le monde entier et l’existence de chacun. Et, même si le pourcentage de possesseurs ou d’utilisateurs d’ordinateurs est encore minime dans notre pays, nul doute que la prochaine génération y sera complètement inféodée. Vitesse des échanges, stockages presque illimités des mémoires, écrits, images et sons tous azimuts, diffusion planétaire sont quelques-uns des avantages de l’informatisation. Avec le numérique, le rapport au texte change, on est dans l’hypertexte avec des échanges instantanés, avec des liens qui remplissent les notes (en bas de pages), des photos, voire des vidéos complémentaires du texte lu. Ecriture et lecture n’ont cessé d’évoluer : du volumen (rouleau démesuré) au codex (pagination) en passant par divers modes d’impressions et enfin, avec le numérique et ses supports se remplaçant de manière exponentielle. Le rapport Tertius sur la filière/livre locale a confirmé l’intérêt général de la production, de l’édition, de la diffusion et de la distribution du livre et de l’écrit ainsi que son appropriation indispensable des nouvelles technologies. Quelques auteurs Calédoniens, bien que toujours attachés à l’objet/livre, ont fait l’expérience de l’édition numérique. Échanges rapides de manuscrits entre eux pour des critiques constructives et éditions en ligne deviennent monnaies courantes du fait de la faiblesse éditoriale locale.

Droits d’auteurs
Les éditeurs numériques (le plus souvent à compte d’auteur) foisonnent et éparpillent les écrits pour le lectorat qui les consulte peu. Faiblesse de coût d’édition et du tirage-papier satisfont tout le monde sans vraiment réaliser un vrai travail d’éditeur. L’auteur pressé est content, mais touche un lectorat ténu. Certains éditeurs numériques permettent cependant d’approcher un public international francophone. Ici, le site calédonien www.passiondesmots.nc – créé par Christine Rousselle – permet de remettre des livres épuisés à la disposition des lecteurs; on peut donc lire un ouvrage introuvable en entier sur son écran d’ordinateur et aussi en faire la commande en passant par l’impression à la demande qui est proposée. C’est une solution intéressante pour les auteurs qui voient leurs livres absents des rayons, phénomène très courant en Nouvelle-Calédonie, vu la faiblesse des tirages initiaux. Une réédition en imprimerie traditionnelle exigeant souvent des tirages trop élevés pour obtenir un coût intéressant (et un prix de vente du livre le plus bas possible), l’impression à la demande de livres numérisés peut être un palliatif astucieux et peu coûteux. Intéressant aussi la société Didactibook avec son site qui propose une librairie numérique où un volet calédonien est prévu. La société Photodiscount permet grâce à un matériel performant une microédition et une possibilité d’impression à la demande (ce que recherche encore de nombreux auteurs calédoniens). Le problème des droits d’auteurs pose plus de questions qu’il ne fournit de réponses. La juste protection et rémunération des droits d’auteur doit rester une priorité. L’exemple de Google qui dévore le contenu de bibliothèques entières (avec leur accord cependant), sans se préoccuper des auteurs, des ayants droits et de la propriété intellectuelle et sans s’en inquiéter vu sa puissance financière. On navigue donc dans un flou plus juridique qu’artistique.
Le numérique galope, c’est un mouvement irréversible, pas forcément plus écologique pour l’instant que le papier (les éléments des composants et leur désuétude rapide sont un grand facteur de pollution à long terme). Là où le numérique est indispensable depuis plusieurs années, c’est dans la sauvegarde du patrimoine, des documents anciens qu’ils soient de papier, des supports photographiques ou des sons.

Nouveaux plans pour l’école
La symbiose entre la bibliothèque Bernheim (plus axée sur un fond photographique et la presse locale), l’ADCK (cartes postales, photos anciennes, oralité, revue Mwaà Vé) et les Archives – privilégiant le microfilm plus fiable à très long terme – (plans topographiques, documents administratifs) devrait encore se bonifier. Se pose également le problème des supports, changeant très vite et devenant obsolètes. Les musées locaux sont évidemment concernés par la numérisation. Le musée de la ville s’adresse volontiers au grand public en numérisant et mettant en ligne ses collections et ses catalogues. Le musée de la Nouvelle-Calédonie ayant été créé en 1863, il y a eu beaucoup de pertes avec le temps, d’où la nécessité des inventaires en permanence. Aujourd’hui, le musée de Nouvelle-Calédonie peut proposer 7000 fiches en plus des 20000 pièces archéologiques des collections. Ces fiches, qui décrivent toute la vie de l’objet, sont conçues sur le modèle de la base de données Micromusée, également utilisé au CCT pour le fonds d’art contemporain. Mais, seule la partie kanak des collections est mise en ligne sous forme de fiches sur le site du musée qui a deux ans d’existence.
Sans vraiment penser que l’intelligence artificielle va remplacer l’intelligence humaine, il va falloir apprendre autrement pour les enseignants avec cette révolution. L’éducation prévoit de nouveaux plans pour l’école car « l’avenir de celle-ci ne s’écrira plus sur un tableau noir ». Equipements et connections pour tous, formations pour transformer les pratiques, bibliothèques entièrement numériques tels sont les enjeux des TICE (technologies de l’information et de la communication pour l’éducation). Dans ce partage planétaire et uniformisé des informations (Wikipédia par exemple) et ce désir d’universalité immédiate, les dangers d’une baisse du niveau d’attention des élèves, d’un manque de réflexion, ainsi que d’une dégradation des tâches à accomplir sont grandissants. Les réseaux sociaux (dont les jeunes sont friands) provoquent l’émergence de l’intimité dans la relation numérique avec des anonymes – une sorte d’ext-timité. Le CDP (Centre de documentation pédagogique) et l’Université se penchent sur ces échanges réciproques de savoirs en mettant en place des projets (Campus pour le CDP et une bibliothèque numérique pour l’Université). Les institutions (Gouvernement, Provinces et le CNL – Centre national du livre) ont pris la mesure pour aider ces projets pays et un observatoire du numérique est chargé de son accompagnement sur tous ces aspects et son développement. Si ça bouge à tous les niveaux, à différentes vitesses, tout le monde a conscience des problèmes et des dangers qui peuvent surgir.

Cyber’île
Des modèles économiques sont à penser pour le livre numérique. Le contenant évolue vite avec le temps et le contenu est une valeur instantanée, liée aux besoins. Comme pour les CD musicaux et les films, le cycle de vie des livres est plus court, le marché du livre/papier est en déclin (un peu plus chaque année) et celui du numérique en développement constant. Cependant, le consommateur veut acheter du numérique à condition qu’il soit 30 à 40% moins cher que le papier. L’objet fait place à l’immatériel et aux services. Les auteurs devenant cyber-auteurs vont devoir s’adapter avec de nouveaux formats, des textes peut-être plus courts, des propositions d’achats à l’unité et faire un « marketing » autre en créant le fameux « buzz » autour de leurs œuvres… La multiplication des cyber-éditeurs et de leurs catalogues numériques n’est pas synonyme de rentabilité pour les auteurs. Le lecteur, lui, peut devenir son propre imprimeur, sachant qu’un document Word brut ne bénéficie pas d’un vrai travail d’édition. Ce même lecteur peut désormais se procurer des liseuses électroniques de différents formats (une uniformisation serait bien venue) avec des stockages encore limités et un manque d’ergonomie sur la navigation. Mais, le marché n’en est qu’à ses débuts. En Nouvelle-Calédonie, il est évident qu’il faudra favoriser la formation des auteurs vers ces nouvelles formes, favoriser aussi la création de micro-entreprises (liées à ces médias) n’hésitant pas à échanger entre elles pour symbiose. Innovation passe aussi par des vidéoguides pour découvrir les parcours culturels locaux et, également, par le replacement du pays dans une plus grande visibilité sur la toile : une Cyber’île, pas en froid avec le futur…
Y aura-t-il encore demain des bibliothèques et des librairies telles que nous les connaissons aujourd’hui ? Du tout numérique et la disparition complète du papier ? Un monde fait d’écrans avec zappings de plus en plus rapides ? That are the questions.

Rolross