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« Swing à Lifou » de Sylvie Baille.

Coup d’Jazz

Paru aux éditions de L’Harmattan dans la collection Lettres du Pacifique, « Swing à Lifou » est un premier roman, dû à la plume de Sylvie Baille. Une histoire rythmée façon manouche avec télescopage de deux mondes. Zik aux Zîles…

C’est une idée récurrente et ancrée dans les têtes : le Métropolitain ne comprendrait jamais la culture Kanak malgré toute sa bonne volonté. Ça, c’est pour le cliché, même si une part de vérité demeure dans cette rumeur à l’emporte-pièce. En effet, le fraîchement débarqué un peu curieux ira forcément à la découverte de l’autre, aura des désillusions et aussi des récompenses. Sylvie Baille a voulu retranscrire, sous la forme de la fiction, son séjour de quatre années à Lifou en tant que professeur et l’expérience humaine qui en a découlé. Tant qu’à faire, elle a choisi un groupe de personnages excessifs – des musiciens tendance jazz/manouche – pour se confronter à cette riche culture du bout du monde. Christine, Gégé, Lucas et Louis passent du stade de « gadje » (étrangers pour le tzigane) à celui de zoreilles sur un coup de tête ou plutôt de cœur – celui de Christine bat pour un beau navigateur des mers du Sud. Django et sa musique libertaire les avaient réunis en France, la notion de famille les regroupe à Lifou où Christine a décroché un poste d’enseignante.

Clan des Zikîliens

Peu préparés à ce contraste culturel, tout en étant demandeurs et compréhensifs, les « Pieds Nickelés » (c’est leur surnom) vont être éblouis dans un premier temps, puis douchés froidement dans un deuxième, avant de… Mais, n’en disons pas plus au futur lecteur. Dans ce coup d’jazz au pays du coup de pêche, l’auteure alterne les chapitres courts passant d’un monde à l’autre, panache les rythmes du récit et décrit avec justesse le choc des cultures. Le meilleur est dans la description et les aventures des fameux Pieds Nickelés qui en thuriféraires du jazz n’arrêtent pas d’improviser avec succès, mais aussi avec des fausses notes. Quand Lucas est au violon, il pleut des cordes et la corde de l’arc d’un Cupidon Kanak a tendance à mollir. Les tribulations du groupe mêlent humour, gouaille et sens de la formule. Malgré un fort désir de s’intégrer, le clan des Zikîliens se frotte au surnaturel des autochtones, au monde des esprits, aux contes ancestraux, aux petits lutins farceurs en accumulant les bévues. Il y a là une belle allégorie où beaucoup se retrouveront. Le bémol vient de l’inventaire des us et coutumes dans une présentation trop classique en regard de la fantaisie du style adoptée. Le côté didactique est parfois besogneux et casse le rythme. On pourra reprocher également un happy end rapide façon Molière avec un personnage sorti d’un chapeau à la dernière minute. Cependant, la poursuite en forêt recèle de belles lignes et ce premier roman est plutôt une bonne surprise. Populaire comme un extrait de chanson terminant certains chapitres et le livre.

Rolross