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« La tarodière » de Denis Pourawa

Révol-vers

Publié aux éditions « Vents d’ailleurs », « La tarodière » de Denis Pourawa est un recueil de poèmes engagés. Un engagement ancré dans la terre de ses ancêtres au sein de laquelle l’action prime sur la contemplation. Combat dans l’île…

Publié aux éditions « Vents d’ailleurs », « La tarodière » de Denis Pourawa est un recueil de poèmes engagés. Un engagement ancré dans la terre de ses ancêtres au sein de laquelle l’action prime sur la contemplation. Combat dans l’île…
Denis Pourawa, originaire de Canala, est un révolté depuis toujours. Marqué par les événements ayant secoué la côte Est dans les années quatre-vingt, il puise son inspiration dans la tradition et la revendication. Passé et futur s’entremêlent donc chez ce poète, pris d’une boulimie livresque et ayant découvert assez tard la force de l’écrit et la puissance du verbe. Il le dit lui-même avec conviction : «dans un pays qui se cherche, le chant premier de la poésie est de faire surgir de son silence une poésie globale. La situation et l’histoire singulières de notre pays donnent le droit de citer haut et fort son nom, son verbe et sa présence dans le concert des voix de l’universalité poétique des hommes et du monde. La poésie est faite pour éveiller les consciences à la réalité, pour critiquer la société en évolution, pour ouvrir l’esprit à la vérité et non l’emprisonner dans la fausseté, pour donner de l’espoir ». Comme le regretté Jean Ferrat qui « ne chantait pas pour passer le temps », Denis Pourawa n’écrit pas « pour faire joujou avec les sentiments et émotions par la rêverie du beau ». Voilà qui est clair quant à sa position de liberté de parole.

Le vers dicte
Dans son premier ouvrage ADCK/Jeunesse – illustrations d’Eric Mouchonnière – « Téâ Kanaké, l’homme aux cinq vies », Denis Pourawa s’appuyait sur un des piliers de la culture kanak, sur la légende fondatrice et le mythe, revisités en conte pour une jeunesse en mal de repères. Dans sa deuxième publication – photographies de Tokiko – « Entre voir les mots des murs », ses poèmes descendaient dans la rue, fulgurants comme les tags et les cris de cette calligraphie immédiate. Le bouillonnement des mots, la révolte que le vers dicte étaient déjà présents. Dans « La tarodière », le verbe ne s’est pas assagi, loin de là, mais la pensée est plus maîtrisée et, de fait, la portée des mots plus forte. Les arts (lézards) doivent faire bouger, remuer les consciences. L’auteur ne prise guère les tièdes et les consensuels. Il irrite par les positions radicales qu’il a gardées intactes depuis son adolescence. Sa forte personnalité, prise entre deux feux (tradition et modernité), l’isole : « Je ne suis pas de ce monde, je suis né pour servir un autre rêve ». Ce qui ne l’empêche pas de rêver une « Symbiocratie », bâtie sur une plurielle tendresse… puis, le rebelle revient au galop « Moi fils de Kanaky, je ne partirai pas, laisse-moi redevenir guerrier ! j’oserai s’il le faut ». Heureusement, le poète ne se cantonne pas dans sa face sombre et « Nos rires » retournent à cette vie naturelle, menée dans son enfance. Cette enfance (celle de ceux qui arrivent) menacée par « Une histoire païenne » où l’argent de l’industrie corrompt les âmes et la nature. Le dernier poème du recueil « Terre de parole, terre de partage » est emblématique pour résumer sa pensée, oscillant entre deux bords. Sa terre est devenue « terre de mensonge, de mal-être communautaire », mais « la terre tombale » de ses ancêtres l’interpelle encore par son esprit. Comme le fera ce recueil pour ses futurs lecteurs…

Rolross