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« la fille de La Foa » de Charles Deschamps

Il était deux Foa

Paru à compte d’auteur, le roman « la fille de La Foa » de Charles Deschamps retrace huit décennies d’une famille calédonienne. En suivant Octavie de sa jeunesse à sa mort, se dessine l’histoire mouvementée du pays. Saga familiale…
La couverture, bucolique comme le nom de l’auteur, montre une jeune fille pédalant sur une bicyclette qui pourrait être au choix bleue ou appartenir au répertoire chanté d’Yves Montand. Ce qui correspond assez bien au caractère de l’héroïne, la belle Octavie, gaie comme un pinson avec un optimisme chevillé au corps. Hélas, dès la première phrase du livre, nous apprenons que le pédalier grince et que tout ne va pas baigner dans l’huile pour elle et ses proches. La saga de la famille Thomas et de ses descendants débute dans les années trente pour finir pratiquement de nos jours et cet ouvrage lorgne, pour le sujet, du côté de Maupassant et de son célèbre roman : « Une vie ». Dans la première moitié du livre, le lecteur découvrira la vie en brousse à une époque pas si lointaine où les distances étaient plus longues et le confort plus chiche, où les femmes subissaient le joug d’une moralité catholique sexiste, où la vie rude engendrait des attitudes violentes et des à priori irrévérencieux envers les autochtones.
Inter Décousu de fil blanc
La narration est correcte, sans plus, tout en décrivant faune, flore et existence en milieu rural. Les personnages, dont certains très manichéens, sont brossés sobrement et l’on sent bien que l’auteur a fictionnisé des faits réels touchant à sa famille. On subodore aussi qu’il a emprunté à d’autres lignées des anecdotes, en changeant les noms pour ne pas froisser. Il fait passer également sa foi (la Foa qui sauve) en un avenir serein avec les Kanak que ses personnages humanistes défendent très tôt dans le temps. Pour lui, l’histoire est en marche et le « vivre ensemble » inéluctable ; ce en quoi, il n’a sûrement pas tort. La seconde moitié du livre (une deuxième Foa en quelque sorte) est beaucoup moins probante car la narration fait place à un cours d’histoire approximatif, à des digressions politiques frisant le café du commerce et cela induit surtout un aspect décousu à la narration. Manque d’homogénéité, cassure de rythme, ellipses gigantesques faisant sauter des décennies, abandon de personnages, prouvent que le manuscrit a été écrit par segments éloignés dans le temps. D’où un manque de cohésion et une impression « d’écriture à la va-vite ». Une fois de plus, une vraie réécriture avec critiques sur manuscrit aurait pu potentialiser cette saga qui s’essouffle et se termine poussivement sur une agonie mélodramatique, où sourde paradoxalement peu d’émotion. Dommage (avec peu d’intérêt), la matière était là, il aurait fallu de la rigueur dans la forme et dans la construction. Même si l’ouvrage a du succès (histoire régionaliste, clefs familiales à débusquer, titre porteur) ce que nous souhaitons, cela reste très (trop ?) amateur, ma Foa !
Rolross
Février 2012