Terre  de lumière de Claudine Jacques Mar25

Tags

Related Posts

Share This

Terre de lumière de Claudine Jacques

« D’où il est, accroché au flanc de sa montagne, il voit deux lignes l’une sur l’autre : l’horizon, trait d’infini séparant le ciel de l’eau — tracé imaginaire dessiné dans l’ankylose calme de son regard d’une fixité à démentir l’idée même du mouvement, paralysie idéale du mirage linéaire qui repousse tous les rêves d’abordage — et juste devant la hachure blanche et mousseuse des vagues qui viennent se briser en écume mouvante sur les remparts d’une barrière frappée par la houle du large, transport de sel, bouillonnement de mousse sur le grand récif qui sépare le bleu du bleu, du plus marine à l’outremer.

Il énonce à voix basse le nom des îles oubliées là, sortes de dômes herbeux bordés de plages blondes ou grises : Près de la passe, Isié, puis les trois Testard et l’îlot Cafard, Ténia, Puen dévastée par les chèvres et Leprédour réserve de faune visitée nuit et jour par les voleurs d’huîtres et autres rapineurs, accrochées à la terre dans des forêts de palétuviers, Bouraké morcelée, Rousseau et Gardner. Plus proche, l’îlot Chengiro, ourlé comme une porcelaine, lieu de pêche aux coquillages lors des grandes marées basses lorsque l’eau qui n’a plus que la couleur du sable et une étrange odeur tiède de fermentation marine dévoile ses holothuries brunes et ses calculs de corail mort. Il anticipe sa fuite quand elle abandonne la mangrove, boue mélangée à la glaise éclatée, à l’humus noir, au schiste proche.

Puis attend son retour. »