Variations autour du lézard nomade
Ce groupe d’amies de cœur et de lettres qui, durant le Confinement, échangent quotidiennement et font des vers, de la prose et refont le monde. Nous vous faisons partager leurs impromptus, souvent créés dans l’instant. Ainsi, à partir d’une anecdote, le téléviseur de Nicole « grillé » à cause d’un gecko », les propositions ont fusé. Les voici :
Écrivain-chercheur, Nicole Chardon-Isch a trouvé en Nouvelle-Calédonie un vaste champ d’observation dans lequel elle puise son inspiration : contes, nouvelles, romans jeunesse. Les registres réaliste et fantastique ont sa préférence mais elle sait aussi décliner le monde de façon poétique. |
Sentait venir la ponte prochaine.
Son ventre gonflé d’oeufs exigeait un abri
Sans tarder.
Elle avisa la porte ouverte du chalet attenant
Et, zigzaguant entre les fines herbes
Elle s’engouffra… dans le téléviseur.
Quelle idoine cachette !
Si d’aventure il vous prenait l’envie
D’attraper la plume
Et de développer
L’épopée du gecko en gésine
Hâtez-vous
Ecrire en Océanie céans
Vous offre sa page Lire en ligne »
Titulaire d’une maîtrise de droit, cadre retraitée, Patricia Artigue réside depuis plus de trente ans en Nouvelle-Calédonie. Très tôt la poésie devient son violon d’Ingres. Elle publie « Bozù », un recueil de poèmes pour enfants, en 2017. |
« Dans la télévision un lézard a pondu.
« Mère courage.
Depuis son niaouli perché sentant la ponte prochaine, son ventre, d’œufs gonflé, se traîne, exige un abri sans tarder. Gecko avise d’un chalet la porte entr’ouverte. Vite !
La mère zigzaguant doucement s’achemine. Inquiète elle inspecte entre les herbes fines, saute sur les marches et marche vers l’entrée. Mazette ! Quelle cachette ! Une chance ! Une aubaine ! Alors à son insu pour une mise en scène – elle ne sait pas encore que la postérité la rendra populaire- elle s’engouffre. . Ouf ! Dans un bloc métallique à visée acoustique à l’abri et au chaud, où elle pourra loger et faire ses petiots.
Elle dort plusieurs nuits sans être dérangée. Elle se dit que dans sa vie elle a toujours plané, d’arbre en arbre, de branche en branche, qu’il était grand temps qu’elle fût enfin casée. Elle ne crut pas si bien dire. C’était une télé.
Toutes les émissions, elle se faisait secouer. Elle avait beau se dire qu’il fallait en finir. Oui, mais où aller, où partir sans se faire remarquer ? Alors elle est restée. Et ses œufs si fragiles qu’elle voulait protéger à cause des vibrations ont été fendillés avant même qu’ils n’aient pu donner vie aux bébés.
Alors elle a pleuré, pleuré, pleuré. Quand elle s’est arrêtée, elle était desséchée… »
© Aline Mori, 4 avril 2020
Fabienne Chéné réside en Nouvelle-Calédonie depuis 25 ans.
Passionnée d’art, elle est auteur du recueil « Maux à Mots ».
Dame gecko sur son arbre
Se sentait un peu abandonnée
Et un peu lourde avec ses œufs
Elle tenta une approche vers la chambre
Mais des convives déjà l’occupaient
Et elle ne voulait pas cohabiter avec eux
Elle tenta de trouver un autre refuge
Un endroit confiné et chaud
Bien à l’abri d’un quelconque déluge
Et assez grand pour éviter un lumbago
C’est tout naturellement qu’elle entra
Dans le salon et pénétra dans le téléviseur
Elle apporta avec elle tout son barda
Et s’exclama intérieurement à la bonne heure
L’endroit était charmant à souhait
Offrait un espace grand et tamisé
Elle s’y s’installa de bon gré
Et se mit à choyer ses bébés
Mais dès que la télé fut allumée
L’éclair et la foudre l’enveloppèrent
Elle se retrouva toute desséchée
Et avec elle tous ses œufs calcinés
Morale de cette histoire
Mieux vaut se sentir isolée
Un arbre comme territoire
Que dans un téléviseur mourir confinée