Marlène ALLARD

Qu’est-ce que le genre ?

Au moment où commence mon histoire, Sohane   est une belle brune de vingt-cinq ans.

Elégante, elle aime recouvrir ses formes généreuses de jolies tenues faites de paréos colorés. Le collier de fleurs fraîches qu’elle porte quotidiennement laisse sur son passage un doux parfum sucré. Senteur qui se mélange à celle de l’huile de coco posée chaque soir sur sa longue chevelure noire. Toison épaisse, lisse et abondante qui depuis sa naissance n’a jamais vu les ciseaux.

Dynamique Sohane cumule de nombreuses tâches :

Mère de deux enfants elle gère les repas, le ménage, l’éducation et tous les besoins attendus par des pré-adolescents.

Enseignante en école maternelle, elle aime quand les petits viennent se blottir sur la natte contre ses jambes pour écouter les histoires qu’elle leur raconte de sa voix douce et apaisante.

Femme, mariée par convenances familiales à un homme bien plus âgé qu’elle, Sohane aurait aimé apprécier l’amour, la tendresse, la complicité. Mais pour elle, rien de cela. Rapidement les doux sentiments ont été remplacés par des ordres, des cris puis des coups,le tout agrémenté de vapeurs d’alcool.

Il y a quelques années le mari de Sohane est décédé. Elle a pleuré, il le faut devant un mort, puis, elle a coupé ses beaux cheveux pour en tapisser le cercueil, la coutume le demande.

Aujourd’hui si je regarde Sohane, avec mes lunettes de GENRE, je vois un corps sexué, façonné depuis l’enfance autour des relations à l’autre sexe et à la maternité. Elle s’est oubliée.

Corps que l’on qualifiera ici du genre féminin sacrifié, même par-delà la mort de son bourreau.

Marlène ALLARD

 

 

 

 

 

 

 

 

a coupé ses cheveux à la « garçonne »

Elle les portait longs depuis sa naissance