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Ma Mer, SDF, poèmes de Patricia Artigue

 

Ma mer

 

L’eau ruisselle sur mon corps,

M’apaise, me délivre.

Seule, enracinée à cette jetée

Battue et rebattue par la colère

D’un vent d’hiver, je respire !

Exaltée, la mer, fouette la digue

Et, mieux qu’un alcool fort, m’enivre.

Je ne ressens ni froid ni pluie.

Le piment d’une sève nouvelle m’irrigue.

Mon sang pulse. Mon cœur danse.

Aux limites lointaines, océan et ciel se sont épousés

Et l’horizon se noie.

Bientôt, il me faudra rentrer…

M’arracher à cette ferveur…

Encore une dernière goulée

De cet élixir marin

Et, promis ! Je m’en irais.

Bientôt…

Peut-être…

 

 

SDF

 

Infortune serrée dans deux sacs en plastique,

Avec pour compagnon un vieux chien arthritique,

Il est assis par terre comme sur le bord du monde.

Payant cash, au prix cher, une vie vagabonde,

Il regarde passer sans espoir d’attention

Une foule distante frisant l’accusation.

Dans ses yeux fatigués trop de rêves éteints

Mais tant de souvenirs et tant de beaux matins :

Un rafiot navigant, seul, au cœur d’un cyclone,

Remontée à la rame d’un bout de l’Amazone.

Évoquant, nostalgique, des Andes la Cordillère,

Il s’imagine grimpant le Marché aux Sorcières,

Puis sillonne, ébloui, le lac Titicaca

Et se revoit marcher cette fille à son bras…

 

Le plus pauvre, au final, n’est pas celui qu’on croit,

Celui qui apitoie, que vous montrez du doigt,

Que, gênés, vous pensez que la vermine ronge…
Qu’ils sont rares, les passants, riches d’autant de songes !