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« Écris une nouvelle pour expliquer l’état du monde » : Christine Cho 

Le crabe

 

Perchée la tête en bas, sur la vieille érythrine, la roussette conservait dans les plis de ses ailes toutes les histoires du monde.

La première et la dernière, les petites et les grandes.

La première, nous la connaissons tous.  C’est celle du soleil, de la lune et de l’île, nés par hasard, le jour où  le grand Corbeau laissa tomber  trois de ses œufs. Deux restèrent dans le ciel et le troisième tomba dans la mer.

La dernière histoire, personne ne la connait, la roussette la garde précieusement, c’est son secret.

Les grandes histoires, elle les raconte au vent du large, les soirs de tempête.

Quant aux petites histoires, elles s’envolent parfois, quand la roussette  quitte son arbre à la nuit tombée.  On dit que ce sont ces histoires-là qui peuplent les rêves des enfants de l’île.

Une nuit, Poapi rêva l’histoire des crabes.

Un jour, au temps où l’île n’était que sable et vase, arriva de l’océan une noix de coco. Une vague un peu plus forte  la déposa au milieu  de l’île.

Alors de la mer, sortirent deux crabes qui se ruèrent sur la noix de coco. Chacun de son côté, ils tirèrent, ils tirèrent. Le plus gros des deux tira si fort que la pince du petit s’allongea, s’allongea jusqu’à ce qu’il lâche le coco tant convoité.

Et le perdant retourna dans l’eau, tristement avec une pince plus longue que l’autre.

Le gros crabe resta près de son coco et le coco germa. Et le germe poussa, poussa et devint cocotier. Cocotier qui donna des noix, qui tombèrent au pied du cocotier, qui germèrent, et devinrent cocotiers qui donnèrent des noix… Jusqu’à aujourd’hui.

Un peu plus tard, sur l’île arriva une plantule de palétuvier.  Une toute petite vague la déposa juste là où les vagues lèchent l’île et elle s’enfonça.

Alors de la mer sortirent deux crabes qui se ruèrent sur la plantule. Chacun de son côté, ils tirèrent, ils tirèrent. Le plus gros des deux tira si fort que la pince du petit s’allongea, s’allongea jusqu’à ce qu’il lâche la plantule tant convoitée.

Et le perdant retourna dans l’eau, tristement avec une pince plus longue que l’autre.

 

Le gros crabe resta près de sa plantule de palétuvier. Et la plantule grandit, grandit et devint palétuvier. Palétuvier qui donna des fruits qui germèrent. Et ces germes, qu’on appelle cigare chez nous, tombèrent dans l’eau.Ils se plantèrent, et devinrent palétuviers qui donnèrent des fruits… jusqu’à aujourd’hui.

Voilà pourquoi aujourd’hui, il y a de gros crabes dans les cocotiers, de gros crabes dans les palétuviers. Et de tout petits crabes avec une énorme pince qui se baladent tranquillement entre les cocotiers et les palétuviers. Ils ne sont pas crabes de cocotier. Ils ne sont pas crabes de palétuvier. Ils sont libres d’aller où bon leur semble (même si c’est la vase qu’ils préfèrent). Et ensemble, ils n’ont peur de rien.

Ici, on les appelle crabes violonistes, c’est vrai qu’on dirait qu’ils jouent  du violon quand ils agitent leur grosse pince. Et si on tend bien l’oreille, on entend comme de la musique.

Ils savent aussi changer de couleur, passer au brun au rouge, au jaune ou au bleu.

On dit même que ce sont eux qui avec leur grosse pince font signe à la mer de remonter.

C’est Poapi qui me l’a dit.

 

XXXX

 

Le crabe de cocotier appartient à la famille des bernard-l’hermite, ce n’est donc pas un crabe au sens strict. Il est connu pour sa capacité à casser des noix de coco grâce à ses pinces puissantes, pour en manger le contenu. Il vit sur les îles et les îlots de l’océan Pacifique et l’océan Indien.

Le crabe de palétuvier est une espèce de crabe qui vit dans les mangroves. On le trouve en Afrique orientale et australe, en Océanie et dans l’océan Indien.

Les crabes violonistes sont  appelés ainsi à cause de leur énorme pince.  Ils vivent en colonie dans les zones les plus chaudes de tous les continents. Seuls les mâles ont une pince plus grosse que l’autre, ils s’en servent pendant la parade nuptiale pour attirer les femelles.

Christine Cho