Les chroniques de Frédéric Ohlen : Narafala Avr24

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Les chroniques de Frédéric Ohlen : Narafala

NARAFALA, Frédérique Viole.

Née au Maroc en 1957, Frédérique Viole vient de publier Narafala, un premier recueil de nouvelles aux Éditions Écrire en Océanie. Cette ancienne orthophoniste, rebelle à toute forme d’autorité, a toujours écrit. Des histoires publiées d’abord dans le journal de son collège, puis des récits qui s’étoffent au fil du temps et prennent dans sa vie de plus en plus de place.
Cette lectrice impénitente a toujours partagé le point de vue de Clément Marot dans ses Épîtres : « Un homme ne peut bien écrire, s’il n’est quelque peu bon lisart. » En 2010, c’est le déclic : elle remporte haut la main le concours annuel de l’association Écrire en Océanie avec son texte Angélique ou l’histoire sans nom. Un personnage de grand-mère indigne qui ne mérite guère son prénom… ! Entre-temps, l’auteure a fait un pari : arrêter son activité professionnelle, fermer son cabinet, se consacrer désormais à l’écriture, même si, dit-elle, le processus peut être, dans son cas, d’une extrême lenteur. Une maturation qui aboutit à des fictions où la forme importe. Du rythme, oui, indéniablement, de la noirceur, souvent, mais compensée par un humour dévastateur. Le dialogue d’Angélique avec un christ en croix reste, à ce titre, mémorable !
Rien de trop dans ces textes au couteau, où le lecteur se doit de construire le sens aux côtés de l’écrivain. Ce côté « ramassé », précis, concis, elle y tient. Alors pas question pour elle de s’attaquer au roman, qu’on lui réclame au vu de ses premiers succès. Elle se laisse pourtant tenter par d’autres aventures : la littérature pour les tout-petits, avec Dors, petit Sam, ou la réécriture d’un conte kunié, Nimüre, c’est-à-dire l’apparition de l’igname dans la langue de l’île des Pins.
Le regard de Frédéric Viole est précieux : un mélange d’intelligence distanciée, une générosité saupoudrée de fine terre humaine, une intransigeance lexicale qui fait du bien alors qu’on voit tant de livres parler tout seuls, avec des mots usés. On avait prédit jadis à cette spécialiste de la psukhê, l’âme, qu’elle devrait aller pointer à l’ANPE si elle persistait à s’intéresser à ça… Fort heureusement, et pour notre plus grand plaisir, la jeune fille rebelle n’a pas écouté !

Frédéric Ohlen,
Chroniques
Point à la ligne, NC 1re, 22 avril 2015.

Couv Narafala_Layout 1Photo Frédéric Ohlen