Le Magazine Littéraire consacre son dossier à Virginia Woolf Mar31

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Le Magazine Littéraire consacre son dossier à Virginia Woolf

À l’occasion de la sortie en Pléiade de l’œuvre romanesque de Virginia Woolf, Le Magazine Littéraire consacre son dossier à cette grande figure de la littérature britannique du XXe siècle. En kiosque le 29 mars.

« Accompagner, jusque dans ses crises, une aventure exceptionnelle ». Tels sont les mots de Jacques Aubert, interrogé par Le Magazine Littéraire sur le parti pris et la couleur de son édition en Pléiade des œuvres romanesques de Virginia Woolf, tout juste parue. Suivant le fil de ses dix romans et d’une constellation de nouvelles souvent inédites de son vivant, c’est moins un hommage qu’un itinéraire d’écrivain que tracent en pointillé ces deux volumes de fiction. Qui s’étonnera que l’entrée de Virginia Woolf dans le domaine public, soixante-dix ans exactement après sa mort tragique, soit couronnée en France par la publication de ses écrits apparemment les moins intimes ? Qu’on se le dise  : plus que jamais, chez elle, le soi ne fait sens que s’il est raconté. Plus que jamais, la compréhension et l’assomption de l’identité trouvent dans le récit (étrange ou étranger) une médiation privilégiée. Plus que jamais – par la mise en fiction de ses fameux instants ou « moments d’être » – la littérature se fait modèle d’intelligibilité de la vie.
C’est ainsi qu’on ouvrira ce dossier par un conte poétique aux allures de tragédie, glissant peu à peu dans les méandres d’une vie de papier. Woolf lectrice, éditrice, écrivaine envers et contre tout – sans jamais cesser pour autant de dialoguer avec son temps, de le mettre en danger. Loin de confiner l’auteur de Trois guinées à ses œuvres romanesques, il fallait passer par l’analyse de ses essais, en particulier sur le genre, pour poser les jalons de sa «  prose dissidente  ». Et si le reproche lui est souvent fait d’être aveugle à son époque, c’est justement sa contemporanéité que la recherche universitaire s’efforce aujourd’hui de souligner. Comment penser la modernité de Woolf sinon dans sa constante tension avec les formes, les idées et les discours dominants auxquels elle n’a cessé de se frotter ? C’est ainsi que se dessinent le rêve et la conquête d’un espace d’écriture ou d’une «  chambre à soi  » : au gré d’insolentes réappropriations, de curieuses associations et d’expérimentations rebelles qui ouvrent soudain le champ des possibles littéraires, sociétaux, politiques…
Étrangère à elle-même, l’auteur des Années l’est autant par les mythes qu’on a construits autour de son destin que par l’émotion et l’appropriation que son œuvre suscite et dont le paysage culturel contemporain témoigne encore. Où diable aller chercher la clé d’une telle résonance sinon, là encore, dans son projet visionnaire «  d’élargir l’idée que nous nous faisons du roman  ». En étudiant précisément la plasticité de ses romans – en particulier l’entremêlement des arts que sont la littérature et la peinture, la photographie ou même le cinéma –, ne voit-on pas se dessiner comme une brèche ouverte sur un au-delà du texte ? Et plus encore que de l’instant, son écriture n’est-elle pas alors celle d’un constant renouvellement, d’une tension vers l’ailleurs, d’un «  devenir autre  » ? Autant de pistes pour interroger sa redoutable pérennité, son éternelle actualité, et pour comprendre ce qui poussa Mrs Dalloway, un beau matin, à sortir elle-même pour acheter des fleurs…

Augustin Trapenard

Crédit photo : © Virginia Woolf