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EEO a lu pour vous et vous présente Qui a tué Hnaéla-Rose, de Sylvie BAILLE

Qui a tué Hnaéla-Rose ?, de Sylvie BAILLE,  par Nicole CHARDON-ISCH

 

Confinement oblige, Ecrire en Océanie n’a pu recevoir l’auteure le 28 mars comme envisagé ; cependant nous tenons à vous livrer des éléments d’appréciation pour vous donner envie de lire ce livre. Il nous a plu à plusieurs titres.

Plein d’intertextualité, ce polar témoigne de la culture de l’auteure, ancienne enseignante de lettres :

  • Connaissance du milieu calédonien : Place Moselle, microcosme du cirque, milieu du cabaret, presqu’île de Nouville avec son squat et ses terrains très convoités aux portes de la ville, son fort Umbo (l’ancien dépôt de munitions), la culture locale du nakamal, la structure verticale du squat avec sa hiérarchie.
  • Introduction de mythes gréco-romains et kanak
  • Ancrage géographique et territorial : c’est un roman du Pacifique, avec la description de Nouméa et l’évocation de Sydney

 

La langue est belle, maîtrisée et alterne les niveaux de langue.

Quant à la construction, elle casse la chronologie en présentant les faits de manière déconstruite, avec des anticipations, des retours en arrière et des ellipses.

Enfin le genre, un polar, est conforme au genre policier avec une originalité, un commissaire aveuglé par ses passions, des meurtres en série, une suspension qui, en ouvrant plusieurs pistes, laisse libre cours à la participation du lecteur.

Les personnages sont attachants, la belle Hnaéla-Rose bien sûr, le jeune Matisse dont le parcours est ascensionnel, entre autres.

Pour finir, les scènes d’alcôve et de séduction, parfois sulfureuses, ne sont pas gratuites et servent l’intrigue, complexifiant et orientant l’enquête.

 

 

 

 

Conversation avec l’auteure

NI : La construction de ton récit était-elle tracée d’avance, en bousculant la chronologie ?

SB : Le roman est organisé en chapitres qui sont intitulés « Cadre et Marie-Louise » pour la mise en place, puis « Premier tableau » « Deuxième tableau »…, chacun correspondant à un meurtre. Le personnage du commissaire est un amoureux de la peinture. Par ailleurs, il a l’imagination féconde et se trouve obsédé par des tableaux qu’il voit dans les scènes de crime. Son enquête emmène le lecteur dans l’univers artistique du bioart… et du sang…  À vrai dire, j’utilise les anticipations, les retours en arrière et les ellipses comme un jeu pour entretenir le suspense et dérouter le lecteur.

 

NI : As-tu fait des fiches au préalable sur tes personnages ?

SB : Oui pour tous, même les personnages très secondaires. C’est mon travail préalable. Je les définis avec précision jusqu’à ce qu’ils m’habitent dans leurs façons d’agir, de parler, d’être, de ressentir… Ils ont leurs histoires, leurs manies… Une fois qu’ils sont bien étoffés, je tisse mon récit autour d’eux. En quelque sorte, ils vont trouver leur place dans le récit et le faire vivre. Je peux alors définir la trame narrative en partant d’un certain nombre d’éléments qui finissent par converger à un moment.

 

NI : Major ne laisse-t-elle pas entendre une femme hommasse, au caractère dur, voire une connotation homosexuelle ? Or au fil du temps elle se féminise, révèle son prénom, une métamorphose progressive du personnage

 

SB : J’ai mis du temps à appréhender le personnage de Major telle qu’elle est dans le roman. Elle s’est imposée comme un des piliers, non seulement de l’intrigue, mais aussi dans les rapports entre les personnages.  C’est le contrepoids du commissaire. Elle correspond à une femme forte, dynamique, entreprenante mais néanmoins féminine. Pas autant que Hnaéla-Rose qui par sa présence sous-jacente fascine même après sa mort.

 

NI . Quel échec professionnel et sentimental pour Guignard !

 

SB : Guignard est un geignard, jamais content, qui projette sa frustration sur les autres par un excès d’autorité et de fausse assurance. Ce qui m’intéresse à son sujet, c’est ce qui découle de ses comportements notamment de sa relation extra-conjugale. Il ne s’agissait pas de poser un regard moralisateur mais d’observer comment on peut mentir, jouer avec les faux-semblants et biaiser les conventions sociales.

Il y a d’autres personnages dans le roman qui sont infidèles, pas seulement à leurs conjoints, mais aussi à leurs valeurs. Leurs comportements les projettent dans l’absurde parfois. C’est le cas de Patrick Noël. Mais l’absurde est justement un ressort de l’action. Je ne voulais pas d’une enquête tirée au cordeau, je préférais plutôt faire exploser cette mécanique policière par un humour décalé.

 

NI : Quel serait le sujet de ton prochain roman ?

SB : Je suis sur un projet d’écriture qui me demande beaucoup de recherches préalables. Quant au sujet…. chut !

 

NI : Dirais-tu que, depuis le premier roman, ton écriture a mûri ?

SB : J’ai mûri moi-même ! Alors forcément mon écriture s’est libérée.