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Causerie du 4 août 2021 à Calédolivres avec Christine BOURRELLY

Calédolivres le 4 août 2021 avec Christine BOURRELLY, Battements de lune.

Causerie animée par Sylvie Baille, directrice de collection.

1 Christine, comment en es-tu arrivée à l’écriture

Je n’ai pas un cursus littéraire. J’ai un baccalauréat scientifique, et j’ai suivi des études de gestion.

Pendant 15 ans, j’ai occupé des postes de management dans des entreprises de services : responsable de centres de profits puis de réseau commercial et chef de projet marketing.

Je suis venue à l’écriture il y a une dizaine d’années. J’avais rejoint Jean, mon futur mari, en Italie, où j’ai arrêté de travailler parce que les enfants sont nés.

J’ai longtemps cru que je n’étais pas quelqu’un de créatif. Et que je n’avais rien d’artistique en moi. Je me suis toujours rêvée écrivain, mais sans voir sur quoi je pourrais écrire.

J’ai cherché une activité depuis la maison. L’écriture a d’abord été un outil de travail puisque j’avais créé un site à destination des francophones de Rome, pour lequel j’ai écrit beaucoup d’articles. J’avais une grande liberté puisque j’écrivais sur ce qui m’intéressait.

Avec la maternité, je suis devenue plus sensible à la transmission et aux parcours de vie. J’ai eu envie de devenir biographe. Et j’ai commencé à écrire des biographies.

Puis, nous sommes venus vivre ici en Nouvelle-Calédonie.

Je me suis rapidement trouvée un peu à l’étroit à écrire la vie des autres selon leurs souhaits, à leur rythme.

C’est là que j’ai découvert EEO et que j’ai participé à un premier concours de nouvelles, il s’agissait d’écrire une nouvelle policière (2016). J’ai pris beaucoup de plaisir à la grande liberté que l’écriture de fiction m’offrait et je me suis surprise à créer des univers nouveaux. Quelle satisfaction quand vous réussissez à boucler une histoire, qu’elle est originale et cohérente!

J’avais découvert le format des nouvelles en lisant Claudine Jacques et les recueils d’auteurs locaux.

2 Comment en es-tu arrivée à ce recueil-là? Et pourquoi le format des nouvelles?

Ce recueil, Battements de Lune, est constitué de nouvelles très courtes (de 1 à 13 pages). Je donne la parole à des personnages de tous âges, femmes, hommes, enfants, et même non humains. À travers eux, je raconte ce que j’ai appris, ressenti en découvrant cette région du monde. Le plus souvent ce ne sont pas des nouvelles à chute. Plutôt des courts récits avec un début, un développement, une fin, ou des nouvelles «instants» qui mettent des personnages en scène dans des situations du quotidien ou extraordinaires.

Mais il y a aussi un conte, un portrait, les derniers mots d’un homme mourant. C’est très varié. Chaque nouvelle a été écrite indépendamment, mais l’ensemble a la volonté de faire plonger le lecteur dans ce Pacifique Sud, et de voyager à travers ses mythes, son histoire, ses réalités (celles que je perçois), et aussi dans mon imaginaire.

Mon objectif, en constituant ce recueil, c’était d’offrir un moment de divertissement, que le lecteur ne s’ennuie pas, qu’il découvre mon univers, et surtout, qu’il ait un aperçu de cette région du monde s’il ne la connaissait pas. J’espérais aussi que ceux qui connaissent ce bout du monde passeraient un moment agréable.

La nouvelle c’est un genre que j’aime beaucoup. Je privilégie la nouvelle courte (2-3 pages).

Elle va droit au but, me permet d’aborder tous les sujets.

Je peux être sérieuse, tendre, drôle, caustique, parfois amère et aussi amusée.

Elle demande un investissement qui n’est pas trop long dans le temps.

Je peux y revenir souvent pour la corriger ou l’améliorer.

Comme je voulais écrire et que je manquais d’inspiration, j’ai rejoint un groupe d’écriture de nouvelles en ligne. Il m’est apparu assez rapidement que ma différence, mon originalité, venait de ce coin du monde où je me trouvais qu’ils ne connaissaient pas. Et il y avait là matière à de très nombreuses histoires à partager. Et c’est devenu ma marque de fabrique. Je sentais un peu de déception de leur part quand ce que j’écrivais ne les faisait pas voyager.

J’ai donc écrit des nouvelles sur la NC et sur ce que je découvrais de l’Océanie. Les années ont passé. J’ai commencé à avoir un certain nombre de nouvelles et une demande de mes proches pour les rassembler.

J’ai donc regroupé celles qui concernaient ce coin du monde pour vous les proposer aujourd’hui.

3 Pour quoi ce titre Battement de Lune?

C’est un titre que j’aime beaucoup.

Il a été très spontané. J’ai été étonnée en le tapant sur Google parce que je pensais que quelqu’un avait forcément dû avoir cette idée-là avant moi.

Mais, je n’ai rien trouvé.

La lune est assez présente dans ce recueil, il y a même une nouvelle qui lui est consacrée. Mais ce titre fait surtout référence à ma relation à l’écriture ici en Nouvelle-Calédonie.

C’est cette terre qui m’a donné envie d’écrire de la fiction et qui m’a inspiré ces histoires.

J’ai une relation différente à la nature depuis que je suis ici. Et je crois que ce sera le plus grand enseignement de mon séjour calédonien. Ici, et dans la culture océanienne, la nature est sacrée. Nous, les hommes, faisons partie de cette nature.

J’ai établi avec elle une relation presque spirituelle.

Et la lune représente cela.

J’ai eu envie de citer la Lune aussi parce qu’elle est un symbole fort dans les mythes locaux. Je pense bien sûr au mythe de Téa Kanaké.

Un autre conte kanak m’a également inspirée. Je vous en dis quelques mots :

Le soleil et la lune sont très proches. Ils vont partager une belle igname et s’installent autour du feu. Mais ils ne sont pas d’accord sur la cuisson du tubercule. L’un le veut plus cuit, l’autre veut arrêter la cuisson. Chacun des deux veut prendre l’igname. La Lune tire très fort alors que le Soleil tient aussi l’igname, et se geste sec fait basculer le soleil dans le feu. Le soleil se brûle et part fâché.

C’est depuis ce moment-là que la Lune et le soleil sont séparés.

J’ai donc inventé moi aussi un conte où Téa et la Lune se chamaillent un peu. Mais cela finit bien!

Un autre élément pour expliquer ce titre, c’est que pour quelqu’un qui comme moi déménage très souvent (une vingtaine de fois dans ma vie), je me sens un peu apatride. En arrivant ici, j’ai vu beaucoup plus souvent la Lune qu’ailleurs, et elle m’est apparue comme une ancre. Je suis enfant du monde et j’ai la Lune pour compagne.

Voilà, pour vous expliquer la Lune.

Les battements de La Lune, c’est comme si elle m’avait transmis de l’énergie pour écrire, comme un cœur qui bat, pour moi, une présence à côté de moi.

4 Quelle est la part de toi-même dans ces divers récits?

Il y a beaucoup de moi dans ces nouvelles, d’autant que l’écriture de ces textes s’est étalée sur plusieurs années et que j’ai pu aborder de nombreux sujets qui me sont chers.

Ce sont des lieux que j’ai visités, des gens que j’ai rencontrés, des situations réelles ou imaginées à partir de faits divers, parfois des drames qui m’ont inspirée.

Je vous disais que j’étais sensible aux parcours de vie, et j’essaie de me mettre à la place des gens pour comprendre ce qu’ils ressentent.

J’aime revenir à l’homme, à ses sentiments, à son parcours de vie qu’un événement peut faire basculer. J’essaie de me mettre à sa place et de comprendre comment il vit les choses à un moment donné.

C’est magique de pouvoir vivre toutes ces vies 

C’est pourquoi j’écris souvent à la première personne.

C’est aussi un jeu avec le lecteur qui l’oblige à très vite se mettre dans la peau du personnage (et qui m’impose d’être efficace dans l’écriture).

J’essaie de trouver dans ce monde souvent injuste des sujets d’optimisme et de donner un peu de douceur et d’espoir. Même si l’absurdité ou l’injustice du monde m’amène parfois à des fins peu joyeuses.

L’avenir de la planète, la pression que nous mettons sur notre Terre, la surconsommation, mais aussi la maternité, la solidarité féminine, l’inégale distribution des cartes à la naissance sont des sujets présents dans mes écrits. L’entraide entre femmes aussi, mais l’alliance des femmes pas contre les hommes,mais contre les stéréotypes et le sexisme ordinaire.

J’ai eu aussi envie de rendre hommage au monde associatif qui fait beaucoup pour améliorer les choses et qui donne un peu d’espoir.

J’ai parfois également des mouvements d’humeur : quitter le monde dit civilisé, changer de vie…

Je n’avais pas mesuré que je parlais souvent de mort. La mort subie, la mort accidentelle d’un proche, la mort choisie.

Il faut croire que comme les stoïciens, je convoque la mort pour l’apprivoiser, m’habituer à l’idée.

Mais je n’aborde pas la mort par la maladie, celle-là m’est trop douloureuse à envisager pour mes proches et pour moi.

5 Tes projets d’écriture?

J’écris encore des nouvelles courtes sur cette région du monde.

Peut-être que cela me permettra dans une réédition de donner encore plus de corps à Battements de Lune ou de faire un deuxième recueil.

Je travaille sur un roman, pour lequel j’avance bien. Il est inspiré par le métissage et la richesse de l’histoire calédonienne et de ses communautés.

J’écris également pour la jeunesse et je voudrais écrire davantage.

Je me suis formée l’an dernier à la correction et j’aimerais ne faire que cela : écrire et corriger. C’est un objectif que je me suis fixé : améliorer ma discipline d’écriture avec des heures quotidiennes consacrées à l’écriture.

Mais j’ai aussi des interventions à venir dans les collèges qui me font très plaisir, et je prévois d’animer pour l’AENC des ateliers d’écriture.