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Memphis, le chien qui regardait la mer

Memphis, le chien qui regardait la mer

De Julie Petre et Pierre humbert

Il y a déjà quelques années, alors que ma petite fille séjournait chez nous, en regardant Memphis, chien noir de son état, aller s’asseoir sur le ponton, nous est venue l’idée de chercher pourquoi il s’y rendait .
Et nous avons trouvé :
Il est assis au bout du ponton, juste au-dessus de l’eau calme et sombre du crépuscule. De son œil brun et doré, il contemple l’allée de lumière que les derniers rayons du soleil couchant tracent sur la baie. Sur l’autre rive, çà et là, les premières lueurs de la ville étoilent les collines dont les sommets sont auréolés de lueurs rouge orangé. Quelques taches d’un bleu intense éclairent le gris sombre des nuages. Dans sa posture de sphinx, seuls, les frémissements de sa queue trahissent son intense jubilation. Tout, dans son attitude, donne à croire que Memphis pense. Chaque soir, au même instant, il vient et admire le coucher du soleil. Ce chien est un poète, c’est sûr.
Le regard sage, l’air posé… Ne pas avoir à choisir, ne pas avoir à savoir …et ne pas essayer de voir ou croire …Il vit pleinement et sereinement les plaisirs simples mais oubliés … Ne pas faire attention à tout ce que les gens croient réfléchi et intelligent …Il regarde, ébloui, le reflet du Ciel dans l’eau scintillante …Tout est calme et tranquille. Une lueur étrange fait son apparition …il observe, ne se doute de rien …Pour lui, les visages sont les mêmes, pour lui, les regards sont les mêmes …et pourtant tout change …Dans ce coin de paradis, je suis certaine que si l’on observe le ciel avec le même regard, la même justesse que le penseur…on retrouvera, si on ouvre bien les yeux …les véritables valeurs, le véritable bonheur …
Et c’est bien parce que les rôles sont inversés, c’est bien parce que l’exemple nous est montré, que je suis en mesure de dire que Memphis détient la vérité, celle de la paix et de la sérénité.
Bien sûr qu’il est heureux, Memphis, bien sûr qu’il jouit pleinement de sa vie. Il n’a pas de règle à suivre, pas de loi à respecter, pas d’obligation envers un pays, un roi ou un président. Il n’a que son maître. Une fois pour toutes, il l’a admis, il l’aime, sans discussion, sans complication, ni jalousie, ni exigence de retour. Il l’aimerait même s’il était battu, même s’il était mal nourri. L’amour pour lui est chose naturelle, comme manger, boire ou regarder des couchers de soleil en remuant la queue. Car Memphis est un chien qui ne va pas le soir sur le ponton quand le ciel est nuageux, ni quand il pleut. Lorsque le ciel s’enlumine intensément, quand les nuages s’effilochent lentement au-dessus des collines dans l’incendie du couchant, il reste encore plus longtemps assis au bord de l’eau. Il ne s’éloigne, comme à regret, qu’à la nuit tombée. En réalité, il ne regarde pas. Non, il admire, il apprécie, il savoure même le spectacle qui lui est offert. La nuit venue, c’est serein et pleinement satisfait, qu’il revient sur terre, les yeux encore pleins de lumière et de gratitude. Sa façon de marcher, en encensant légèrement de sa tête noire donne à penser qu’il remercie le Créateur du cadeau sublime qu’il vient de recevoir.
Et il s’en va dormir du sommeil du juste.

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Nota : Dimanche dernier, Memphis a rejoint le paradis des chiens poètes, par la grâce d’un coup de fusil imbécile.