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L’Argent de Pierre Humbert

L’argent
En nos temps incertains, mais de crise certaine, il est un élément dont tout un chacun parle.
Celui qui n’en a pas et en voudrait, et celui qui en a et le voudrait garder.
Ces espérances ne facilitent pas les rapports, bien qu’en cette matière on parle surtout de rapport profitable. Le mécanisme de ce rapport profitable est finalement relativement simple, comme vous l’allez voir :

Pour avoir de l’argent devant soi, il faut (et il suffit, c’est mathématique) en mettre de côté, de façon à pouvoir protéger ses arrières.
On dit alors qu’on en a mis à gauche.

On en a bien le droit. Cette manière d’agir permet de se constituer un petit matelas, et, après avoir mis de l’argent de côté pour en avoir devant soi, on en a en dessous soi ( pas en dessous de soie, ce qui aurait une connotation peu morale). Il y en donc partout, et on finit par en avoir par dessus la tête.
On dit alors que le marché est pléthorique.

Quand on atteint cette situation, on est en mesure d’avancer de l’argent. Cette opération fait baisser le matelas, et augmenter les espérances, mais diminue la capacité à en mettre de côté, et par conséquent fragilise la protection des arrières.
On dit alors que le marché fluctue.

Quand on a avancé de l’argent, il faut cependant continuer à en mettre de côté, de façon à ne pas dégarnir ses flancs, manœuvre négative qui fut néfaste à Napoléon à Waterloo.
On dit alors que l’argent circule.

Par ailleurs, celui à qui on a avancé de l’argent peut dés lors lui aussi en mettre de côté, protéger lui aussi ses arrières, et par la suite en avancer également. Toutefois, celui à qui on en a avancé est inéluctablement amené à le rendre, un jour ou l’autre, à celui qui lui en avait avancé. Il diminue ainsi ce qu’il avait devant lui et ne peut plus protéger ses arrières, ni, bien sûr, en mettre de côté.
On dit alors que le marché est en crise.

On pourrait donc penser que celui qui avait avancé de l’argent en a maintenant plus, mais il faut se souvenir que l’argent qui lui a été rendu était celui qu’il avait avancé. Donc, il n’en a pas plus qu’avant cette opération. Il y a seulement un possesseur d’argent de moins.
On dit alors que le marché a rejoint le niveau de l’exercice précédent.
Ce qui peut faire croire que le marché est stable, puisqu’il n’y a pas eu de changement.

Sauf que celui à qui on en avait avancé au début n’en a plus, puisqu’il l’a rendu à celui qui lui en avait avancé. Le changement, pour lui, a consisté à avoir une idée de la circulation des valeurs, ce qui l’incitera à faire attention la prochaine fois.