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La noblesse n’est peut-être pas ce qu’on croit qu’elle est… de Pierre Humbert

La noblesse n’est peut-être pas ce qu’on croit qu’elle est.
En nos temps d’incertaine identité, il m’est venu l’idée de réfléchir à l’une des plus républicaines des envies, qui s’est manifestée ces derniers jours, lors du jubilé de la reine des grands bretons. Ce jubilé qui fut suivi avec… jubilation par une grande part des descendants des sans-culotte de l’héxagone républicain.
Je suis roturier.
C’est une simple constatation, et la plus grande part de l’humanité peut faire la même à son propre sujet . Nous sommes, tous, le résultat ( ou la conséquence ) des unions d’un nombre incalculable de gens issus de presque toutes les parties du monde et de presque toutes les ethnies, et nos A.d.n. comprennent des chromosomes participant également à la constitution de ceux des mongols, des chinois, des slaves, des bantous, des mélanésiens, des maoris, des incas, des hurons ou des iroquois, et pour être exhaustif, des hominidés !
Les gens, avant notre naissance, ont voyagé, traversé des océans, des continents, ont fait souche, leurs enfants en on fait autant, et une chatte, qui est pourtant, tout le monde le sait, très maternelle, n’y retrouverait pas ses petits.

Pendant de longs siècles, les sociétés ont été partagées entre la noblesse, toute petite fraction de la population, et les autres, l’immense majorité. En effet, au cours de l’histoire de l’humanité, quelques uns ont décidé d’être – et se sont ensuite crus – supérieurs à leurs contemporains, que ce soit par la couleur de leur peau , les noms de leurs pères, voire leur lieu de naissance.
Une « aristocratie » ( du grec aristos : excellent et kratos : pouvoir ), s’est donc prétendue la meilleure et s’est installée bien à l’aise au dessus de ceux qui n’étaient  » pas de son monde « . Comme il lui fallait bien vivre, on a créé la roture , sorte de taxe payée aux seigneurs pour pouvoir défricher une terre, et ceux qui la payaient sont devenus les roturiers.
Il ne faut voir dans mon propos aucune intention idéologique révolutionnaire. C’est simplement le résultat d’une réflexion sur ce que je crois être la véritable origine de la dite aristocratie : Il s’agit tout bêtement de la loi de celui qui se croit le plus fort.

Un homme des cavernes s’est aperçu un jour que l’usage de sa massue lui permettait de servir avant, et mieux, que les autres aux repas. Il est devenu le premier « chef », s’est assuré le concours d’un entourage de gros bras, qui sont devenus  » sous-chefs  » pour l’aider en attendant de pouvoir prendre sa place, et la cour est née.
Un des chefs , voulant peut-être une plus grosse part d’aurochs, a assis son autorité en exterminant les autres chefs, ou en les soumettant, ou en les achetant, voire en se faisant élire, manière machiavélique avant l’heure, et en définitive assez géniale d’utiliser la démocratie pour asseoir la monarchie, ce qui démontre que les gros bras ne sont pas obligatoirement des imbéciles.
Quand l’existence de Dieu a été admise, il a suffit de déclarer qu’IL avait voulu et autorisé cette situation. La monarchie est devenue ainsi de droit divin. Les enfants des chefs « divins » devinrent « divins » à leur tour et la royauté, la monarchie, l’aristocratie et la noblesse furent déclarées héréditaires.
Pour bien marquer les différences, on a alors donné aux gens le nom du lieu de leur naissance, en séparant le « de » pour les uns, en le liant pour les autres, le descendant de l’homme à la massue devenant « du Pont, », les descendants des autres ne pouvant devenir que « Dupont » .
Subtile, mais implacable nuance ! Pour être juste, s’il faut reconnaître que de nombreux membres de cette aristocratie, se sentant investis d’une mission, ont été très valorisants pour la race humaine, il faut également admettre que nombreux roturiers ont aussi été des exemples, la proportion d’êtres exceptionnels étant la même dans toutes les couches de la société, et la noblesse, en tant que valeur humaine, n’est ni héréditaire, ni l’apanage de personne.
Cependant, au cours des siècles, les aristocrates ont régné sur le monde, et quelques uns croient encore le faire. Ils ont pensé, et, c’est terrible, mais patent, souvent de bonne foi, être la caste élue, désignée par le tout puissant pour régner. Et même, par une traduction approximative de l’espagnol « sangre azul » désignant les veines apparentes sous la peau, avoir du sang bleu. Ils ont été servis, parfois de bon cœur ou appât du gain, souvent par obligation, par ceux qu’ils nommaient, avec un tantinet de condescendance, le peuple.
Si l’on se souvient que sur son trône, un roi, qu’il soit blanc, noir, rouge ou éventuellement bleu n’est jamais assis que sur son postérieur, et que cette partie de son anatomie est constituée de la même manière que celle du paysan pauvre, du manœuvre sans spécialité ou du garçon d’ascenseur, de quelque couleur qu’il soit, et d’où qu’il vienne, on est bien obligé d’en arriver à la notion d’égalité.
Toute aristocratie, sauf celle du cœur, est donc aussi dénuée de sens que de légitimité, même s’il a fallu attendre la fin du 18ème siècle pour que cette évidence soit écrite, et si, en de nombreux endroits du globe, elle ne reste qu’un vœu pieu !
Quod erat demonstrandum auraient dit en rigolant les vieux latins.

Pierre Humbert