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l’APIDOC (Association des professionnels de l’information documentaire)

« L’attire-lire »

Le samedi 16 avril dans les locaux de la Maison du Livre, l’APIDOC (Association des professionnels de l’information documentaire) de Nouvelle-Calédonie a proposé une réflexion autour de l’adolescent face à l’écrit et à la lecture. Différents professionnels de bibliothèques et de l’enseignement, entre autres, ont fait un état des lieux en tentant d’apporter quelques réponses. Lignes de front…

Françoise Garnot, présidente de cette toute nouvelle association (l’APIDOC remplaçant l’ancienne API), a insisté sur leur rôle de médiateur du livre, de la lecture, de l’écriture et de l’information. Et aussi de partage des expériences comme ce matin-là où il était question de l’adolescent, public très difficile à attirer dans les lieux de lectures (bibliothèques, médiathèques et CDI scolaires). Mauricette Cognard, psychologue clinicienne, a brossé un portrait succinct de l’ado, soumis aux vicissitudes du passage entre l’enfance et l’âge adulte. A quinze ans, malgré l’acquisition d’une intelligence abstraite performante, celui-ci n’est pas autonome, pas à l’aise dans son corps et est sexuellement perturbé ; ne sachant pas trop où il va, son esprit critique exacerbé provoque une coupure entre lui et les adultes qui l’entourent, l’autorité et la loi. Il se réfugie souvent dans sa « bande » pour échapper à la famille. Il faut donc l’écouter et essayer d’éviter le conflit souvent inutile, sans pour autant le fuir. L’animateur, Yves Caron, a évoqué la peur du franchissement du seuil d’une médiathèque pour nos adolescents car ce lieu évoque un trop-plein d’intelligence. Il ne faudrait pas non plus tout leur offrir sur un plateau (notamment avec une mise à disposition laxiste d’ordinateurs ludiques) car le but premier de la médiathèque est de les former à une lecture /loisir. Il existe deux types d’ados, ceux qui ont fréquenté (avec leurs parents) les bibliothèques depuis leur prime enfance et ceux qui n’y ont jamais mis les pieds. Il faut donc une offre pour amorcer ce fameux premier pas (qui coûte), pour apprendre la « posture » de la lecture, pour susciter une envie, un désir de lire par des animations ciblées, à l’aide d’un confort des lieux pour ne s’y sentir étranger et pour y faciliter l’autonomie de ce public « spécial ».

Travaux d’approche
Joane Ukewe, animatrice de la cyberbase de la maison de quartier de Rivière-Salée, a apporté un témoignage saisissant de son expérience avec quelques jeunes de ce quartier, déscolarisés et avec (souvent) des problèmes familiaux. D’où l’approche sociale de cette frange au départ incontrôlable et réfractaire, même aux ateliers les plus appropriés. Elle a dû par le biais d’une animatrice/jeunesse, les approcher dans leurs soirées graph’et hip hop pour nouer des liens, d’abord ténus, pour se faire connaître sans entrer dans un copinage nuisible. Une fois le contact créé, elle a pu, non sans mal, donner un désir de réaliser quelque chose en groupe, fidéliser leur présence ponctuelle dans un atelier de vidéo. En deux projets et deux petits films, le changement de leur attitude a été radical et le bouche-à-oreille auprès d’autres jeunes en difficulté a fonctionné. Il faut donc se donner les moyens appropriés en menant des actions patientes à long terme. Requérant forcément écriture et lecture, l’image est donc un moyen d’attirer les ados dans ces lieux culturels pour plus si affinités. Au fait, que lisent les ados (quand ils lisent) ? Une libraire de la place Barbara Chéron a évoqué ceux qui, pensant que la bibliothèque n’est pas gratuite, se cachent pour lire dans les rayons de sa librairie et, aussi, le moment crucial où l’objet/livre arrive dans les mains d’un futur lecteur. La ligne qui va accrocher, le déclic qui fait terminer un premier livre sans obligation. Pour beaucoup d’ados, sollicités par d’autres médias en apparence plus attractifs, le livre n’est pas une évidence. Et puis, comment lire une langue qui a peu de points communs avec le parler quotidien de la maison, de la cour de récré ou de la bande ? Il faut créer l’envie du livre avec des formats attirants, des BD romans illustrant et « relookant » les auteurs classiques, décliner les commandements très souples et amusants, chers à Daniel Pennac dans « Comme un roman ». Les allers-retours avec le cinéma, l’image donnant envie du texte et vice-versa, sont un plus. Avec une majorité de filles ouvreuses de pages, les genres les plus achetés ou empruntés sont les séries au long cours (Potter, Twilight and Co), les livres d’aventures et de Fantasy, la SF, la BD et les mangas, ainsi que les livres/miroirs de la société.

Lecture plaisir
Lydie Ponchet, professeur de Lettres, et Mathilde Fouchard, professeur documentaliste, oeuvrant en CDI (Centre de documentation et d’information) de collège, ont parlé également de leurs expériences sur le terrain. La tranche d’âge la plus difficile se situe chez les quatrièmes/troisièmes dont la grande majorité ne lit pas, le revendique et est très dure à mobiliser. À l’inverse des sixièmes/cinquièmes qui ont envie de tout découvrir. Sachant qu’une partie non négligeable d’élèves arrivent au collège en ayant de grosses difficultés de lecture (et d’écriture), il est impossible de faire des rattrapages pendant les heures de classe. Ce sont des heures perdues, alors que l’espace du CDI permet de guider l’élève dans cet outil qu’il va apprivoiser avec régularité. La création de conditions favorables (coin lecture convivial) et une relation particulière avec l’enseignant (tête-à-tête oral) s’avèrent bénéfiques. Quelques règles sont à respecter, comme le silence, pour entrer dans ces ateliers de lecture/plaisir. L’utilisation de cet espace permet de mettre en place une heure de lecture par semaine ainsi qu’une partielle remise à niveau, en jouant sur l’autonomie de chaque élève. Le choix des textes et des auteurs s’avère primordial pour des enfants qu’il ne faut surtout pas rebuter. Apparemment, cela marche avec la motivation et l’esprit de recherche de ces professeurs. Siméï Paala, responsable de la médiathèque Nord de Poindimié, a mentionné les actions de lecture publique. Dépôts de livres, points lecture en tribus et initiation dès le plus jeune âge avec les fameux « bébés lecteurs », chers à Marie-Adèle Jorédié, sont les temps forts de ces actions. On veut créer très jeune l’habitude du livre pour que plus tard les ados cultivent la graine plantée tôt. Mais rien, pour l’instant, n’est destiné aux ados de la commune qui, cependant, se sont accaparés en masse la médiathèque, le mercredi après-midi. Lieu de rendez-vous régulier pour garçons et filles, ils ne dédaignent pas consulter un ouvrage (ne serait-ce qu’une revue de foot) en attendant leur tour pour profiter des cinq postes d’ordinateur. Le lieu ne leur fait pas peur, ils en ont pris possession, peut-être que l’usage des livres suivra… Évidemment, à l’heure d’Internet, des réseaux sociaux, des jeux en ligne, tout n’est pas rose, il ne faut cependant pas désespérer car l’informatique favorise quotidiennement la lecture, l’écriture et la création. Tous les intervenants ont insisté sur les moyens à mettre en œuvre, en ayant conscience que les hommes politiques investissent peu dans le culturel. Et c’est bien dommageable !

Rolross