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« Métaphysique de profil » de Michel Chevrier

Lueurs en série

Les prolifiques éditions de « L’Herbier de Feu » viennent de publier un délicieux petit bouquin intitulé « Métaphysique de profil ». Les aphorismes cyniques et les poèmes concis de Michel Chevrier cohabitent avec les dessins/reflets de Bernard Billot. Perles et profils…

Avec Michel Chevrier, l’ironie se glisse déjà dans ses titres sibyllins. On savait avec lui que « les morts savent/peuvent danser » dans « la contre-expertise du vide ». On saura désormais que l’abstrait peut se voir sous un autre angle, voire dans tous les sens et en particulier celui de l’humour. C’est d’ailleurs sous ce signe que l’ouvrage est né, suite à la rencontre hilarante entre l’auteur et Bernard Billot, le dessinateur, lors d’une séance de dédicaces. Si la foule n’était pas au rendez-vous des signatures et si les stylos sont restés à l’encre, posés sur les tables, de nombreux échanges emplis de dérision et de légèreté ont réuni ces deux regards rieurs sur leurs contemporains. Ce hasard qui fait si bien les choses a donc accouché de ces soixante pages où percent des lueurs en série pour éclairer nos lanternes existentielles en berne. Se méfiant souvent des paroles qui sont des barreaux et évitant à tout prix la cuistrerie, voici une leçon de vie en peu de mots pour aller à l’essentiel, c’est-à-dire l’acceptation de sa condition.

Queue-de-pitre
Privilégiant la briéveté de la forme, Michel Chevrier est un curieux des autres qui a promené sa silhouette sèche de philosophe zen aux quatre coins de la planète. Le désert purificateur, où l’on rencontre de vrais hommes taiseux, le fascine. Conscience du corps dans ses moindres recoins, paix de l’esprit, sérénité et méditation sont à son programme quotidien. Mais attention, là où il y a du zen se trouve également le plaisir, c’est ce que prouve ce petit recueil très agréable qui châtie nos mœurs en riant. « Seule la dérision est pertinente » dit-il, le rire étant sardonique, provocateur et libérateur. On y trouvera une recette pour qualifier la bonté de l’homme, pour se chauffer avec les aînés à l’hiver de leurs existences, pour fustiger le moindre racisme (ceux que l’on ne peut pas voir en couleurs de peinture), pour apprivoiser son reflet ainsi que la grande faucheuse se cachant derrière le miroir. Quelques jeux de mots (NDLR : que nous apprécions beaucoup dans ces colonnes) pour seulement lire le recto des pages, un zeste d’iconoclastie pour une Jeanne « d’Arcouphènes » et un rien « d’Anti-matière à réflexion » font partie de ces lignes à l’humour grinçant. Écrits avec peu de mots, alternatives au silence, on découvrira également quelques poèmes où « le vent circule », où « les eaux acceptent l’évaporation ». « La profession de foi » de l’auteur est d’exalter l’hymne à la vie qui vibre, colore, danse et rit. Et puis, il y a les succulents dessins de Bernard Billot. Narrant une histoire voisine ou autre, le trait est décalé par rapport au texte et rajoute un zeste d’absurdité revigorant. Jules, son personnage récurrent tout au long de l’ouvrage, est une sorte de Monsieur Pickwick contemplatif qui, parfois, n’y pique couic. Silhouette rondouillarde à la Botero, haut de forme, bouille lunaire, taille replète sanglée dans une « queue-de-pitre », Jules avec son poisson domestique, sa perplexité, sa cocasserie et sa bonhomie vous ravira. On le verrait bien en vignettes quotidiennes dans un journal. Bref, bien que le premier titre soit « N’y va pas », nous ne pouvons que vous conseiller d’aller parcourir ce petit bijou, le séant dans l’herbe. Un succès qui se profile ?

Rolross