Denise Desautels, « une improbable rédemption » Juil25

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Denise Desautels, « une improbable rédemption »

Sur un dessin de Paul Klee, un merveilleux poème de Denise Desautels. Remarquez l’élégance des trois premiers vers.

Une branche s’est abattue sur une autre 
 

la fin nous passera sous les yeux 

même si vêtue de trop de rose 
et faisant semblant de rien 
 

on savait que ça viendrait 

malgré l’épaisseur des vitres 

on avait été prévenus 
secoués, secoués 
par une accumulation d’armes et d’hécatombes 
 

les incendiaires une fois de plus 
se préparent à survivre 
on les suit,
on les prend par l’épaule 
quelques décennies 
quelques ennemis de plus 
 

c’est généreux dans les villes 
ça s’entend la souffrance 
 
* 


imaginons l’autoportrait 
un rideau qu’on rire, translucide 
pour atténuer
– oh à peine 
nos fraudes  
de famille, d’état 

nos petits assassinats aussi 

machinalement 
en croix,
massés 
sous une gaine où il fait chaud 
 
 

en attendant, on fabrique du néant doux 
 

un peu d’anthracite ou de blanc, s’il vous plait 
autour d’une improbable rédemption 
 
* 
à la fin, on n’a plus peur 

on les regarde de près 

l’enfant endormi et 
plusieurs étoiles malades
accolées à la terre 
 

sans bien comprendre pourquoi 

absolument nécessaire 

la souffrance flambe dans un fouillis de bras 
 

nous avançons, manière Marina Abramovic 

le corps tout charbon,
penché 
son squelette
posé sur son dos,
son double 
grandeur nature 

fragile armature d’os 
châle d’été, on dirait. 
 


Denise Desautels, « une improbable rédemption », L’Angle noir de la joie, prix de littérature francophone Jean Arp, 2011, pp. 75 à 77.