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Jean-Marc Pambrun et le goût de la Liberté de Stéphanie Ariirau Richard-Vivi

À l’écoute de mon désir, Nos ancêtres t’avaient choisi/ Ils m’avaient montré ta voie, Ils m’avait soufflé ton nom/ Tu ne naîtrais pas pour rien, Tu ne naîtrais pas de rien/ Tu ne serais pas seulement mon enfant/ Mais un être appelé par les dieux/ Pour accomplir sa destinée »
Mon Enfant.
JMT PAMBRUN (1953-2011)
Poète, dramaturge, romancier, essayiste,
penseur, rêveur & frère polynésien.

www.ariirau.com

INTRODUCTION. DIAPO 1 ;

Dans la Dépêche de Tahiti, datant du 19 décembre 1994, un journaliste écrivait de Jean-Marc Pambrun, qu’il « n’avait cure des rumeurs. Il ne se préoccupait pas plus des systèmes de pensées » et que c’était « sans doute en préservant sa solitude qu’il arriverait à percer le mystère des temps ». En 1998, son plus proche ami, Aimeho Charousset, préfaçait sa légende « La fondation du Marae », en disant- je cite- « Mon plus vieil ami d’ici et de Paris est tellement controversé qu’il ne lui manquait plus que d’être l’auteur premier d’une légende du présent. »

Si l’on devait extraire le terreau fertile de ses ouvrages, on goûterait certainement à l’esprit de liberté qui animait Jean-Marc Teraituatini PAMBRUN.

Cet aspect rebelle et marginal a connu son paroxysme dans les années 90, années pendant lesquelles il a souffert d’ostracisme. Jean-Marc Pambrun avait choisi, selon ses propres mots, « le parcours du guerrier » et il puisait dans chaque expérience de sa vie, fut-elle douloureuse ou belle, des raisonnements et des réflexions sur son pays et ses gens.

Tout était matière à écriture. Ainsi, dans le texte fondateur de son travail littéraire, « L’allégorie de la Natte », il confesse – je cite- « Certains mangeront les fruits de leur destin avant de le connaître, d’autres, moins rapides, apprendront à faire de leur destin un défi avant d’y goûter. Quant à moi, en tout cas, j’ai choisi cette dernière voie. Même si pour cela, je dois souvent brûler ma course, boire ma cadence et égrener le sel de ma souffrance. » Dans une 1ère partie, nous visionnerons les éléments de vie qui ont été formateurs de sa pensée.

Et dans une seconde partie, nous extrairons de la plupart de ses ouvrages littéraires ce qui est relatif à la liberté de ce penseur polynésien.

Je rajouterai que dans son Manifeste Censuré, Albert Camus définissait 4 façons de manifester la Liberté pour l’écrivain engagé :
1. La lucidité.
2. Refus, devant la bêtise et l’injustice.
3. l’ironie, une arme « contre les trop puissants »
4. Et L’obstination.

ELEMENTS FORMATEURS ; DIAPO 2 :
Jean-Marc Tera’ituatini PAMBRUN est né le 22 décembre 1953 à Paris dans le 20ème arrondissement, d’un père polynésien déjà très engagé dans la revendication culturelle polynésienne et d’une mère française.
• En 1975, il passe son Baccalauréat série B au Lycée Gauguin, puis il part en métropole poursuivre ses études universitaires.
• En1977 il obtient un DEUG en Sciences Sociales à l’Université de Paris V, René Descartes. Pendant cette période, Paris est secouée par plusieurs attentats anti-colonialistes, qui agitent la conscience de cet étudiant originaire de Polynésie française. Comme la plupart des étudiants de cette époque, il s’imprègne d’idéologie de gauche mais c’est véritablement dès 1978, que Jean-Marc Pambrun entamera son ‘parcours du guerrier’.
• En 1978, alors qu’il prépare un Diplôme des hautes études en sciences à l’université coopérative internationale, à Paris, survient à Papeete, la mutinerie de Nuutania. Cet événement à distance, cumulé aux tensions anti colonialistes et aux influences des idéologies socialistes, déclenche chez lui une envie de rébellion, pour ne pas dire de revendications. Dès lors, Il prend des engagements qui n’auraient pu être faits, s’il n’avait pas déjà en lui cet esprit de Liberté :
o Il démissionne de son poste de président de l’association des étudiants, il créé le comité OPUHARA qui condamne les maux du colonialisme, la mutinerie de Nuutania, les conditions de procès de TE TOTO TUPUNA à Versailles plus tard,
o et suite à ses prises de positions, il perd sa bourse d’étudiant. Il se sent en rupture avec l’Etat et le gouvernement autonomiste au pouvoir. Ce sera le premier maillon d’une chaîne qu’il brisera.
Parallèlement, il poursuit ses études, obtiendra un DEA de l’université de Paris I en “Préhistoire, Ethnologie, Anthropologie” (- mention Très Bien -) et dès 1979 il occupe divers postes localement, au Musée de Tahiti et des Iles, dans les ministères de la Santé et de l’Environnement, il travaille également comme conseiller technique à la Présidence.
La période de 1979 à 1992 est féconde en recherche ethnographique : il occupe les postes d’assistant conservateur, de chercheur en ethnosociologie, il intègre le département des Traditions en 1981, entre autres.
DIAPO 3 :
Mais c’est aussi durant cette période que Jean-Marc Pambrun fréquente les milieux politiques locaux, et les syndicats. Observateur de ce qui l’entoure, il exploite ses propres échecs et le comportement de ses pairs, pour les dénoncer ensuite par la seule et unique arme qu’il aura en main : sa plume.
Mais avant d’écrire, il préfère agir publiquement: Par le biais de l’association IA ORA TE NATURA, il dénonce les constructions sporadiques sur des sites sacrés polynésiens. Son poste de Directeur du Département des Traditions ne le musèle pas, bien au contraire, il condamne les conditions dans lesquelles sont emprisonnés ces concitoyens à Nuutania et son militantisme pour le respect des sites sacrés mène à son 1er limogeage en octobre 1992.
DIAPO 4 :
De 1992 à 1997, il fait usage de sa plume. Comme tous les artistes polynésiens, il est multiple dans ses créations ; tout ce qui concerne l’Art pour l’art est inspiré de songes auxquels il accorde une grande valeur : Ses encres de Chine, l’allégorie de la Natte, ses poèmes, prennent source dans la plupart de ses rêves. Il considère le songe comme la révélation de ce qui doit être. « Le Sale Petit Prince ou les pamphlets blancs » sont une collection d’articles qui sont parus dans l’Echo de Tahiti Nui, un journal engagé politiquement. Le personnage principal est un prince aigri qu’on a enfermé et qui passe son temps à dénoncer les vices de la société îlienne. Cet emprisonnement fictif reflète l’emprisonnement ressenti par l’écrivain et sa difficulté à retrouver un emploi dans ses domaines de prédilection, suite à son limogeage. L’écriture parodique est une clef ouvrant la porte de sa liberté de pensée. Il critique tout et tout le monde : les femmes, les éditeurs, les journalistes, les syndicalistes, les autonomistes, les indépendantistes, les instances du Pouvoir. Il est même surprenant qu’il ait conservé sa rubrique dans l’Echo de Tahiti Nui, puisque, pour ainsi dire, tous les politiques sont passés à la trappe du Sale Petit Prince.
DIAPO 5 :
Jean-Marc Pambrun ne peut plus se contenter de contester. Il a besoin de se consacrer à la source de son éducation, la Culture, et il obtient le poste de Directeur à la Maison de la Culture en 1998. Il dira alors, dans le magazine TAUHITI NUI de la Maison de la Culture, en 2000, que – je cite- « Je ne souhaite partir que de là où Henri Hiro s’est arrêté et de poursuivre la voie que lui et tant d’hommes avant lui ont ouverte, sans superstition, sans nombrilisme et sans sentiment de culpabilité » ; clairement il s’inscrit dans la continuation d’Henri Hiro. A nouveau, suite à ses prises de positions, il est limogé de son poste de directeur de la Maison de la Culture en 2000.
DIAPO 6 :
A partir de ce moment là, Jean-Marc PAMBRUN vécut réellement une période d’ostracisme telle qu’on peut la vivre au sein d’une société îlienne limitée et éloignée de tout ; il est allé frapper pratiquement à toutes les portes, CV en mains, sans aucun retour. C’est un père de 6 enfants qui doit subvenir à des besoins essentiels. Et là, il brise à nouveau des maillons de la chaîne : il écrira et produira de lui même une pièce de théâtre emprunte d’humanisme et doublement culturelle, qui conciliera la matière bretonne et polynésienne. Cette pièce est aux antipodes de ce qu’il a pu écrire auparavant.
Jean-Marc Pambrun se réfugie entièrement dans une œuvre littéraire rythmée d’alexandrins. Il n’y a rien de réellement subversif dans la Nuit des Bouches Bleues, qui puisse déranger l’ordre établi. Pourtant, son engagement public le marque au fer rouge, et la pièce est subrepticement mise de côté au Ministère de la Culture. Sa représentation est interdite alors que la pièce devait se produire du 1er au 21 avril 2002.
Jean-Marc PAMBRUN sera durablement meurtri par cette décision, il ne peut concevoir, en tant que penseur des libertés qu’on empêche une représentation théâtrale dans un pays régi par les Droits de l’Homme. Il dénonce « le fascisme culturel » dans TAHITI PACIFIQUE MAGAZINE en 2002 ; ainsi écrit-il que « Ce n’est pas le contenu de la pièce qui a motivé la décision du ministre, mais son auteur » ; il se dit prêt à jouer la pièce dans la rue et constate- je cite- l’existence d’un « fascisme culturel qui gangrène la société et qui fait qu’aujourd’hui les artistes ne peuvent plus s’exprimer s’il n’ont pas les mêmes opinions que le gouvernement ».
Ironie du sort, sa seconde pièce de théâtre qui sortira sous un pseudonyme, par crainte d’un nouveau rejet sans doute, et qui recevra le prix du festival du livre insulaire de OUESSANT, sera également refoulée aux Marquises, cette fois-ci pour son contenu dérangeant les institutions religieuses.
DIAPO 7 :
L’Allégorie de la Natte est le texte fondateur de son travail littéraire. Dans la Dépêche de Tahiti du 8 octobre 1993, Jean-Marc PAMBRUN considère que le « puzzle de la culture polynésienne s’est éparpillé en 1000 morceaux », qu’il est temps de « rassembler toutes les connaissances ». L’allégorie de la Natte est un appel aux acteurs de la Culture mais aussi aux Polynésiens, de venir s’asseoir sur une natte virtuelle pour mettre en jeu toutes les forces vives. Le non-dit, ici, est très significatif : le non-dit c’est la condamnation de l’ostracisme puisqu’il appelle tout le monde à venir se réunir sur la Natte. L’écrivain, penseur libre, a fait un travail sur lui-même pour dépasser sa condition d’exclu, de marginal. Dans les Nouvelles de Tahiti, toujours en octobre 1993, il constate que la culture polynésienne est « tout simplement éclatée, chaque Polynésien en détenant une part, il faut alors la rassembler … comme on fait une grande natte. », « pour comprendre cette culture, il faut se débarrasser de tout préjugé, accepter l’irrationnel et le sacré ». Mais avant de se rassembler il faut « abattre les cloisons qui nous séparent »
DIAPO 8
Le lexique relatif à la liberté est très fréquent dans le recueil du Sale Petit Prince. La citation sélectionnée concerne l’exclusion qui peut aussi être vécue dans le monde éditorial pour des opinions trop revendiquées par exemple. Ici l’auteur affirme qu’il n’y a pas de demi-mesure quand on est libre : On l’est ou on ne l’est pas, on ne peut pas être libre à moitié. Et que la liberté de pensée est avant tout une question de bonne conscience.
DIAPO 9
Etre libre c’est aussi oser faire ce qui n’a pas été fait, oser toucher ce qui n’a pas été touché, comme le domaine des légendes ; avec la « Fondation du Marae », Jean-Marc Pambrun crée une légende contemporaine mais qui se déroule dans le cadre des temps anciens : cette légende est une métaphore d’évènements vécus : il s’agit de la défense d’une terre ; à la page 14 du texte, on retrouve des acteurs tels que Manutahi (Oscar Temaru), Maeha’a le nom de son frère, on retrouve aussi un certain Aimeho, le site en question se trouve à Faa’a. Jean-Marc Pambrun confie aux Nouvelles de Tahiti le 15 décembre 1998 que « tous les personnages de la légende existent ou ont existé ». Pour Jean-Marc Pambrun, « une légende ne s’invente pas ; elle correspond à une action qui s’est passée »
DIAPO 10 :
Etre penseur polynésien et libre, c’est déconstruire le mythe pour faire découvrir une réalité d’autant plus belle et plus touchante. Avec ce long poème, « les amateurs de clichés et de gauguineries en seront pour leur frais » peut-on lire dans le TikiMag du 15 décembre 1998. Les photographies de Michel Chansin découvrent à la fois la beauté et le pathétique du monde polynésien ; celui-ci, à l’instar de Jean-Marc Pambrun le poète, refuse de faire toute concession au Mythe perpétué depuis Bougainville. Daniel Pardon écrira le 15 décembre 1998 que « L’auteur prend à contrepied les habitués des ‘Beaux livres’ pleins de ‘Tahitienneries’ touristiquement correctes ».
DIAPO 11 :
Dans ce poème datant de 2002, l’écrivain décrit la posture figée, presque douloureuse de sa condition. Ce poème est similaire à un tableau : un homme est assis et travaille à l’écriture, recroquevillé sur sa table. Une posture physique, certes, mais qui exprime le caractère obsessionnel et persistant de tout écrivain noyé dans son texte et ses pensées. Le clair obscur décrit également le contraste de la pensée sur l’ignorance. Cette obstination du combat est une ‘vertu cardinale’ de la liberté, pour ne reprendre que les termes d’Albert Camus.
DIAPO 12 :
Les derniers vers de cette longue pièce en alexandrins sont consacrés à la liberté intérieure. Nous retrouverons ce thème de liberté intérieure dans le Bambou Noir : cette liberté intérieure est un combat pour soi-même dans le roman cité, et c’est aussi un combat pour les autres dans La Nuit des Bouches Bleues. Penseur de la liberté, Jean Marc Pambrun, écrira également aux vers 1443 de cette pièce :
« Les écrivains les plus sincères
Ne cherchent pas à satisfaire
Aux exigences des puissants
Leur cœur écrit ce qu’il ressent »

DIAPO 13 :
Les Parfums du Silence sont écrits dans un style simple et épuré, mais regorgent aussi de témoignages authentiques établissant la relation des Marquisiens aux ordres établis, politiques et religieux, du vivant de Gauguin. Cette pièce a également trouvé sa source dans un rêve où le peintre Paul Gauguin est apparu : Jean-Marc Pambrun a basé son texte sur des archives, et certains propos sont issus mêmes de la bouche de personnalités religieuses, qui ont été retranscrites dans des témoignages.
DIAPO 14 :
‘Huna, secrets de famille’ est sorti en 2004 mais il regroupe plusieurs textes écrits précédemment. Dans ce recueil, Jean-Marc Pambrun ravive la mémoire de ses engagements : la liberté n’a de socle que la mémoire de ces combats ; ici, bien que le texte soit présenté sous forme de fiction, le détail et le réalisme des faits, lui confère la qualité de témoignage. La référence à l’association IA ORA O NU’UROA se retrouve dans plusieurs de ses textes, dont le roman Le Bambou Noir. Jean-Marc Pambrun tenait réellement à la protection des sites sacrés et historiques de son pays.
DIAPO 15 :
Il s’agit des derniers mots du Bambou Noir : l’esquisse s’est dessinée au fil de la vie du personnage, ces bambous noirs expriment l’emprisonnement intérieur et mental. La couverture bleue symbolise la liberté intérieure et la volonté d’être libre, en recouvrant finalement une partie de ce bambou, elle offre au personnage cette victoire qu’il a atteinte, sur lui même. Cette victoire, ce pas vers la liberté est le résultat de la persévérance du personnage tout au long de son parcours initiatique.
DIAPO 16 :
Taaroa était seul, personne ne l’entendait, il a donc créé le monde à partir de rien ; comme le ferait un écrivain à partir d’une page blanche. Ici la métaphore peut prêter à diverses interprétations, dont la liberté de création à partir du rien ; mais aussi, se construire soi-même quand il ne reste plus rien, quand on a tout pris. Un peu comme un pays ou un peuple atteint d’acculturation, et qui doit produire sa matière culturelle à partir du rien. Les interprétations sont personnelles & illimitées.
DIAPO 17 :
Les Voies de la Tradition est un recueil de divers textes, nouvelles, fictions, essais. Voici l’extrait d’un poème. Face aux voix de l’écriture, il y a la parole : Ecrit en 1999, ce texte revendique ce qui a été revendiqué socialement en 2004, le droit à la parole mais aussi et surtout à la liberté de pensée. Dans ses réflexions d’écrivain, on retrouve des analyses de la société qui se sont perpétuées à la suite dans des évènements marqueurs ; je pense notamment au taui et à la liberté de parole.
DIAPO 18 :
Récapitulons, le goût de la liberté chez Jean Marc Pambrun, c’est : (lecture diapo)
DIAPO 19 :
Je terminerai avec cette phrase de Jean-Marc Pambrun que j’ai relevée dans TAHITI PACIFIQUE MAGAZINE en 1992 ;

« Il n’y a pas de création sans conscience,
Ni de liberté sans actes et sans paroles. »

Stéphanie A. Richard-Vivi
ariirau.com@gmail.com
Vini : 28 01 64
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