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Etonnants Voyageurs 2012

SAINT-MALO (Ille-et-Vilaine) – Venus d’Australie, de Nouvelle-Zélande ou d’une poussière d’îles, plusieurs écrivains rencontrés ce week-end au festival Etonnants Voyageurs, à Saint-Malo, donnent à lire un Pacifique Sud bien éloigné du mythe de la douceur de vivre qui y est associé.
« Imaginez 33 îles dispersées sur une superficie grande comme l’Europe, des atolls de 100 mètres de large à un mètre au-dessus du niveau de la mer, sous l’équateur, avec une température de 40°, et toutes les maladies possibles. Une électricité aléatoire, pas de route, juste des maisons au toit de palme. Voilà les îles Kiribati », résume Maarten Troost qui, après un séjour de deux ans, en a tiré un récit, « La vie sexuelle des cannibales » (Hoëbeke). Avec ce sous-titre éloquent « A la dérive dans le Pacifique Sud ».
« Le seul objectif, dans ces conditions, c’est de survivre. On vit au jour le jour (…) Quand on retourne en Occident, plein de choses vous apparaissent absurdes », dit, dans un entretien avec l’AFP, ce jovial Canado-Néerlandais qui vit actuellement aux Etats-Unis.
« A cause des films, vous, Européens, avez une fausse image du Pacifique », confirme le Néo-Zélandais Alan Duff, qui, avec sa fondation, incite les enfants à la lecture. « Je sais où ces gens vivent, ce qu’ils vivent, ce qu’ils mangent, ce qu’ils souffrent. Je n’ai jamais vu un intellectuel dans ces endroits, ils ont trop peur! »
Maori par sa mère, Alan Duff a connu des débuts turbulents dans la vie avant de se mettre à l’écriture. Ses livres, dont certains ont été portés à l’écran, ont souvent alimenté la polémique. « Je veux voir des médecins, des architectes, des ingénieurs maoris. Mais les Maoris ne valorisent pas l’éducation », déplore-t-il, à propos de cette communauté qui représente 15% de la population néo-zélandaise.
Son dernier roman traduit en français, « Un père pour mes rêves » (Actes Sud), explore une fois encore cette veine de l’identité maorie avec, en contrepoint, le vécu des Noirs américains et de la persistance des préjugés racistes d’un continent à l’autre.
« On nous a enfermés dans le rôle du +bon sauvage+ »
Chris Womersley est Australien. Dans son premier roman traduit en français, « Les affligés » (Albin Michel), il nous transporte en Nouvelle-Galles du Sud à l’époque de la Première Guerre mondiale.
Accusé du meurtre de sa soeur, le héros, un soldat démobilisé et blessé, veut revenir dans sa communauté pour laquelle il n’est qu’un lâche. Les humains s’y affrontent dans une nature sauvage et tumultueuse, loin de la douceur du climat et de la mer associées à l’Australie.
Polynésienne, Chantal Spitz est aussi très remontée contre l’image véhiculée. « Pendant 200 ans, on a été écrits ou montrés par d’autres. Tous ces clichés, ça nous colle à la peau. On nous a enfermés dans le rôle du +bon sauvage+ », rage-t-elle, tout en n’épargnant pas sa propre communauté: « On a intégré l’idée que tout ce qui vient de l’Occident, c’est mieux. Le casque colonial, il n’est pas sur nos têtes mais dans nos têtes. »
Comment faire pour inverser la tendance’ « On écrit, on commence à avoir quelques films produits par des Tahitiens, mais ce sera long » pour faire évoluer cette image, juge cette écrivaine, auteure en 1991 du premier roman tahitien, un texte au titre évocateur, « L’île des rêves écrasés ».
Publiée par une maison d’édition de Papeete, Au vent des îles, Chantal Spitz dresse à l’AFP un portrait sans complaisance de ce territoire d’Outre-mer: « Situation économique et sociale dramatiques, alcool, drogues, conduite suicidaire, échec scolaire chez les jeunes », assure-t-elle.
Et, bien sûr, les effets des expérimentations nucléaires françaises dans le Pacifique, « une catastrophe qui commence à nous sauter à la figure ».
L’express (mai 2012)