Mexico de Nicolas Kurtovitch Mar13

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Mexico de Nicolas Kurtovitch

Mexico

je suis là je me le dis et le répète à voix haute, en voiture en silence en chantant à chaque pas

je suis là
missions et palissades catholiques mille fois peintes comme si on peignait la vie pour ne pas la perdre
se collent aux murs les boutiques les cafés les cabanes les carrioles les voitures abandonnées
les affiches immenses les tôles repeintes aux mille espérances comme sont peints
d’un seul geste le combat des libérateurs depuis que le Mexique se connaît une histoire
ces tôles sont la fierté des habitants de Mexico elles tracent jour à jour le quotidien inéluctable
quand compter ici est impossible partout l’homme s’agglutine
aux uns
aux autres
entre eux à moi nouvelles et chaudes sensations des touchers de peaux étrangères
face à face à quelque uns nos yeux avec simplicité racontent nos vies

sur la place de la constitution mille livres racontent aux parents la folie de certains hommes
et puis au détours de la rue une poignée d’arbres sont ombre et fraicheur calme beauté et enchantement
pyramides lacs étangs aigles serpents temples soleil sang chevaux cargos cuirasses
fer feux conquistadores pillages détournements pauvreté exploitation faim luttes incessantes

c’est ainsi
ce que je ressens à Mexico
en quelques heures à peine combien j’aime être là, là où je dis que je suis
je fais le plein de vagabondages
l’endroit pour cet éloignement est idéal pas de paroles
je ne parle pas l’espagnol ni l’indien
si nécessaire on se regarde ça suffit
la maison de Frida Kahlo bleue celle du poète orange celle de Trotsky
rouge certainement comme son armée
une importante armée comme toutes les armées
insupportables armées
d’une rue à l’autre on se transporte
de longues marches accélérées
de la place « du Zocalo » au parc Alameda
Ay ! je suis de Mexico
je pose mes pas dans le pas des Indiens je pose mon cœur dans l’imaginaire des mexicains
nous avons en quelques heures parcouru la ville
cela aurait pu ne jamais se terminer j’aurais été le plus heureux des hommes
marchant de relais de poste en églises anciennes de palais en marchés paysans
cela n’est pas le vrai Mexique ce pays n’est pas que cela
il faut voir les petites fermes
il faut vivre les heures de transport que vivent les marchandes
tout sourire alors que la ville les a épuisées
la foi qu’il faut avoir pour au petit matin affronter le maelström
de cette ville féroce
nous aurions pu marcher encore plusieurs jours jusqu’aux pyramides reconstituées
nous aurions pu aimer le village agrippé au flanc d’une piètre colline
son église toute bleue plus haute à peine que les masures de tôles
dispersées en une interminable expiation
mais il fallut cesser de marcher l’heure étant venu d’embrasser les amis qui s’en allèrent pour la prison.

Nicolas Kurtovitch