Les Guerriers Pacifiques présentés à Calédolivres par Nicole Chardon-Isch Mar02

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Les Guerriers Pacifiques présentés à Calédolivres par Nicole Chardon-Isch

Etude des Guerriers pacifiques, Manuel TOURAILLE Par Nicole CHARDON-ISCH

Introduction

Homme de théâtre, gestionnaire d’entreprise culturelle, Manuel Touraille n’en est pas moins pourvu d’humanisme et rempli du désir d’une société juste et simple, respectueuse de l’harmonie avec la nature. En rappelant la splendeur et les vertus de l’ancienne cité de Nan-Madol, mystérieuse, située sur une île perdue au nord de la Nouvelle Calédonie, environ à 3100 km de Nouméa, il invite ses concitoyens à plus de considération envers la planète et envers leurs semblables.

Nan Madol est un site en ruines qui se trouve dans la partie sud-est de l’île de Pohnpei. Le site est constitué d’une série d’îlots artificiels qui furent la capitale de la dynastie Saudeleur jusqu’aux alentours de 1500.

 

Forme, structure et contenu, interprétation allégorique, morale et enseignement

L’auteur se positionne en observateur, offrant un compte-rendu anthropologique et sociologique. Divers aspects de l’antique civilisation sont abordés en termes de respect, de paix, de parité, de développement durable. Le nom de « Nan Madol », qui signifie « intervalles » fait référence aux canaux présents sur le site. Celui-ci est souvent baptisé « la Venise du Pacifique » et témoigne d’un degré technologique et pragmatique avancé pour cette ancienne civilisation. L’empilement de blocs de basalte et de corail pesant plusieurs tonnes force l’admiration de tous. Toute la description faite par l’auteur est empathique et laudative, voire hyperbolique (lecture 1 ; extraits p.12à 14) ; qualités physiques, intuitives, grande capacité d’adaptation de ce peuple dans une nouvelle civilisation, avec cependant le refus des compromis : ces guerriers, au sens noble, fondent leur identité sur la pirogue à double balancier, porteuse de valeurs.

On peut avoir l’impression d’assister à une énumération de qualités révolues, qui ne font pas honneur à la vie des hommes du XXIème siècle, ou de voir détailler la description émerveillée d’un âge d’or disparu ; mais très vite nous apprenons que les descendants de ces guerriers sont parmi nous, s’efforçant de restituer les valeurs d’antan, résistant aux sirènes de la modernité tels le profit, le gaspillage, l’abus du numérique, l’inégalité des genres, l’agressivité et le manque de respect.

De manière allégorique Nan Madol devient le modèle et interroge l’aujourd’hui, invitant à l’introspection, à la raison et à l’essentiel. Un glissement dans l’intention et dans l’objectif s’opère progressivement, ouvrant notre regard sur d’autres possibilités d’existence et de développement ; l’ouvrage devient alors hautement philosophique, invitant à la spéculation.

Le sous-titre indique qu’il s’agit d’une fable, fabula en latin, légende. Bien qu’il s’agisse d’une incursion anthropologique, le questionnement attaché au texte érige la civilisation de Nan Madol en exemple pour le présent ; une aura mystérieuse émane de cette cité et de ses descendants, qui échappent à toute tentative scientifique pour les cerner et les étudier : Manuel Touraille scande le mystère et l’inconnu qui accompagnent cette civilisation : « Personne ne les a vus arriver… Pourquoi ici… Qui sont-ils… ? D’où viennent-ils ? (lecture 2 p.11 et p.15)

Les tentatives d’identification de ce peuple contribuent à plonger le texte dans une atmosphère poétique où se mêlent le fantastique, l’irréalité, le mythe (lecture 3 p. 11) « Qui sont-ils ? Des projections de nos pensées. Une illusion d’optique. Des énergies qui passent par là. Des esprits de la nature. Des mondes parallèles. Des émanants. Ils apparaissent. Ils disparaissent. Nous n’avons aucune explication. » Il semble donc impossible d’appréhender ce peuple et ses mystères. Atlantide refermée sur ses trésors, univers parallèle, la cité interdite de Nan Madol, l’une des plus grandes énigmes de la technologie ancienne (p.15), fascine.

Comme un mirage, une illusion, un fantasme, la cité perdue glisse et hante les esprits, sans que l’on puisse l’approcher. Du mythe de l’âge d’or, en passant par L’Utopie de Thomas Moore et par Les Voyages de Gulliver de Jonathan Swift, sans oublier L’Âge du perroquet-banane de Claudine Jacques, une recherche de la société idéale est en marche.

Mythe, légende, secret et fable auréolent Nan Madol et ses guerriers pacifiques, fugaces, présents et pourtant si subtils.

L’antique cité de Nan Madol a produit des descendants qui aujourd’hui s’intègrent raisonnablement à nos cultures occidentales tout en gardant leur âme de guerriers pacifiques. Ils sélectionnent, se méfient de choses qui nous paraissent simples : l’argent, le moteur à combustion, l’énergie électrique, l’ordinateur, les images virtuelles, qui n’ont aucune existence (p.14). Comme dans l’ouvrage et le film sur l’héritage glorieux des Maoris en Nouvelle Zélande, L’Âme des guerriers, cette fable de Manuel Touraille revêt une dimension d’exemplarité et nous invite à nous questionner sur le développement durable, l’égalité, la tolérance, l’inscription de l’être dans la nature, la responsabilité humaine envers le climat. Dépassant le statut de simple objet d’étude anthropologique et historique, le monde des guerriers pacifiques devient espace tangible et idéal à reconquérir, à imiter, puisque notre monde est bâti sur des mensonges, des disparités, des erreurs et des comportements déviants.

Belle utopie, ou possibilité de développement raisonné, durable et respectueux ? Fable, espoir, le défi nous est lancé. Le jardin de Candide est à notre portée, porte grande ouverte.

Quel plus beau chant d’amour pour le vivre ensemble ?

Questions à l’auteur

– Pourquoi avoir choisi Nan Madol ?

– Vous semblez jouer du double sens, local et géographique, mais aussi sémantique, du terme « pacifiques » Expliquez-nous le titre, qui contient un oxymore ; guerriers va-t-il avec pacifiques ?

– Vous n’accusez jamais vos contemporains, vous focalisant sur la valeur exemplaire des guerriers pacifiques. Mais la satire sociale, politique, comportementale de nos sociétés de profit n’est-elle pas manifeste ?

– Au-delà de l’image du professionnel, gestionnaire rigoureux, n’avez-vous pas gardé une âme d’enfant ?

– Le moment de la parution n’est-il pas judicieusement choisi dans un contexte de référendum et de vivre ensemble parfois difficile ? En clair Les Guerriers pacifiques est-elle une œuvre politique ?