Le Torchon  Nouvelle de Claudine Jacques (extrait) Avr23

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Le Torchon Nouvelle de Claudine Jacques (extrait)

Le Torchon Nouvelle de Claudine Jacques (extrait)

Il faisait chaud. Trop chaud pour la saison, un mois de novembre exténuant aux ciels de lassitude grise et d’embarras.
Maléna traversa le village d’un pas d’automate sous le bât d’un soleil meurtrier. L’atmosphère était turbulente. Exaspérée comme elle, et comme elle agitée, Maléna sentait un sang furieux tyranniser ses tempes. Ses doigts tremblaient.
Devant la porte de service, elle hésita… désemparée. Au fait, qu’était-elle venue chercher là ? Après un temps où elle rassembla ses esprits éparpillés, elle sembla s’en rappeler, fouilla fébrilement dans la poche de sa blouse pour y chercher ses clefs et constata, sans grand étonnement, qu’elle ne les avait pas prises. Elle décida d’entrer par l’accueil clients puis y renonça. Trop de monde, trop de regards, trop de questions en suspens qu’elle ne pouvait affronter. La fuite était préférable. Elle rebroussa chemin jusqu’au lotissement presque désert à cette heure où elle erra sans but, l’esprit en débandade, le cœur en désordre, de rue en rue.
Parce que tout semblait fondre autour d’elle ─ le coaltar de la route, les maisons imprécises, comme effacées à force d’être floues, les silhouettes aperçues, l’horizon encore, atténué, distendu, qui semblait s’alanguir et se dissoudre dans une confusion trouble de bleus liquéfiés, jusqu’à paraître blanc ─ elle s’arrêta, prise d’un vertige qui la déséquilibra et la contraignit à réagir.
Elle s’essuya les yeux sur sa manche.
Maintenant, elle ne voulait plus qu’une chose, rentrer, rentrer chez elle. Et le but, soudain défini, la rapprocha de la raison.
Elle se hâta.
Un amoncellement de lourds nuages difformes couvrait le village et le rapetissait, le couvait, le plaquait au sol jusqu’à l’écraser, mais, elle le sentait, il n’y aurait pas d’eau. Ni aujourd’hui, ni demain.
D’ailleurs, y aurait-il encore des pluies ? s’interrogea-t-elle, vaguement désespérée, en franchissant le portail dont elle referma le loquet avec une précaution toute particulière, presque retenue. En suspendant son geste dans l’air moite, elle songea au chien d’Otis. Ou plutôt, au manque du chien d’Otis.

Otis, murmura-t-elle, Otis.

Le recueil est en vente chez Calédolivres, place des cocotiers. Nouvelles-de-NC-2